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L’ESSENTIALISME

ne nous la présente pas ici connue absolument certaine ; il nous la donne seulement comme possible ; mais au cours des fréquentes allusions qu’il y fait en ses divers écrits, il s’exprime presque toujours en homme qui la tient pour vraie.

Demandons-lui quels caractères il attribue à ce monde des quiddités, ainsi posé en la puissance objective, en l’existence essentielle.

» Disons, tout d’abord[1], qu’en ce qui concerne son existence essentielle (esse quidditativum), le monde est éternel ou, du moins, n’a pas commencé dans le temps (ex tempore). Voici comment on peut raisonner en vue d’affirmer cette proposition.

» En ce qui concerne son existence essentielle, le Monde n’a été créé d’aucune manière (est omnipotent improductif). D’autre part, il implique vraiment l’être. Donc il est éternel.

» Puis encore : Il est manifeste que cette proposition ; Le Monde est un être, est vraie de toute éternité, tout comme cette autre proposition : L’homme est un être animé. Dès lors, les deux termes extrêmes d’une telle proposition, le sujet et l’attribut, sont nécessairement éternels.

» Enfin, en son existence quidditative, le Monde est forcément éternel dans l’avenir, car l’existence essentielle ne peut, par aucune force, être détruite ; nécessairement, donc, il est aussi éternel dans le passé. Le raisonnement est évidemment concluant en vertu de l’équivalence entre la nécessité dans l’avenir et la nécessité dans le passé. »

Ce Monde des quiddités est non seulement éternel, mais encore nécessaire.

« La première nécessité, la nécessité absolue[2], c’est celle dont le fondement est absolument l’opposé du non-être et du pur rien du tout (purum nihil), en entendant par rien l’opposé de toute chose positive. Une chose st nécessaire de cette nécessité-là lorsqu’elle ne peut pas être absolument un non-être, lorsqu’elle ne peut pas n’être rien du tout (omnino nihil), ce rien étant l’opposé de tout ce qui est positif.

» Si l’on prend le mot nécessité dans ce sens, la quiddité de l’être est pleinement et absolument nécessaire, car la quiddité de l’être ne peut pas n’être absolument rien, rien de positif, veux-je dire. Bien plus ! Toujours et nécessairement la quiddité de l’être

  1. Nicolai Boneti Physica, lib. VII, cap. I ; ms. no 6678, fol. 166, ro ; ms. no 16182, fol. 131, coll. b et c.
  2. Nicolai Boneti Metaphysica, lib. VII, cap. I ; ms. no 6678, fol. 75, vo ; ms. no 16182, fol. 53, coll. c et d.