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LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

la seconde manière), conviennent aux quiddités lorsqu’elles sont en l’existence actuelle, leur conviennent également lorsqu’elles sont en l’existence métaphysique et essentielle, alors même qu’elles n’existent pas d’une manière actuelle.

» Ainsi lorsque l’homme existe d une manière actuelle, il est être animé, corps, substance, être ; ce sont là des attributs qui lui appartiennent en la première manière ; il est aussi capable de rire, de sentir, de se mouvoir ; ce sont ses attributs de la seconde manière. Il en est de même lorsqu’il n’existe pas d’une manière actuelle… Chi conclut de là qu’en cette existence essentielle, l’homme est aussi formellement distinct de l’âme qu’il l’est lorsqu’il existe actuellement.

» Quant aux attributs par accident, ceux-là ne résident pas dans les quiddités lorsqu’elles sont en puissance objective ; ils les affectent seulement lorsqu’elles existent d’une manière actuelle. L’homme donc, en cette existence essentielle, n’est ni blanc ni noir ; il ne rit ni ne pleure, bien qu’il soit capable de rire et de pleurer ; il ne boit ni ne mange, car tout cela lui advient par accident.

» Afin de comprendre plus à plain ce que c’est que cette existence essentielle et ce qu’on pose en cette existence, il vous faut tout d’abord remarquer que tout ce qu’il y a de positif en Socrate et qui y précède l’existence actuelle, c’est tout cela qui est posé en l’existence essentielle. Ainsi l’entité de Socrate, sa substance, son animalité, son humanité, et aussi sa différence individuelle, tout cet ensemble positif, numériquement identique à celui qui existe en ce moment, sans qu absolument rien de positif y soit ajouté, tout cet ensemble, disons-nous, a été, de toute éternité, en l’existence essentielle ; et lorsque cet ensemble a été produit, rien de positif ne lui a été ajouté, si ce n’est la seule existence actuelle. Cette existence est une sorte d’accident parce qu’il arrive (accidit) à Socrate d exister ; j’appelle accident cette existence, non qu’elle appartienne à quelqu une des catégories qui sont les genres de l’accident, mais parce qu’elle est accident en ne se laissant pas ranger, au point de vue des catégories, dans le genre de la substance ; et aussi parce que ce qui suit advient (acidité) à ce qui précède. »

Cette doctrine, qui attribue l’existence métaphysique et essentielle à toutes les quiddités, et non seulement à toutes les quiddités essentielles, mais encore à toutes les différences individuelles, aux formalités qui déterminent les divers individus, à l’hœccéité de Socrate comme à celle de Platon, cette doctrine, disons-nous, Bonet