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L’ESSENTIALISME

rieure qui la vient contracter davantage et déterminer d’une manière plus précise. La plus indéterminée, la plus vague de toutes ces formes sera donc, à l’égard des autres, comme une sorte de matière première. Or celle-là n’est-elle pas précisément cette quiddité de l’être en tant qu’être qu’a considérée Nicolas Bonet ?

Est-il nécessaire d’attribuer à toutes les quiddités la puissance objective et l’existence actuelle ? Du raisonnement qui prétendait le démontrer, notre autour retient au moins cette conclusion : Il est nécessaire de poser en puissance objective, en existence actuelle, au moins une quiddité, celle de l’être en tant qu’être.

S’il ne regarde pas le raisonnement comme convaincant à l’égard des autres essences et quiddités, il ne va pas jusqu’à nier ce que l’on en voulait affirmer ; en ce qui les concerne, la thèse n’est pas démontrée d’une manière incontestable, mais il est possible qu’elle soit vraie. Il va nous le dire en détaillant cette thèse.

« Il nous reste, dit-il à examiner comment il est possible de poser toute quiddité en puissance objective et en existence essentielle…

» Voici ce que disent les tenants de cette opinion :

» Tout ce que l’on rencontre en suivant la ligne des catégories, à commencer par les genres les plus élevés pour descendre jusqu’aux individus inclusivement, tout cela, il est possible que cela existe do toute éternité en puissance objective et en existence essentielle.

» En effet, toute la catégorie de la substance et tout ce que contient cette catégorie sont choses qui sont antérieures (priora) à l’existence et qui en font abstraction ; et il en est de même des autres catégories.

» Il est manifeste que les tenants de cette thèse considèrent deux mondes ou, mieux, qu’ils considèrent le même monde en deux sortes d’être ; d’une part, en l’être physique et naturel, en l’existence réelle et actuelle (sub esse physico et naturali et in existentia reali et aetuali), d’autre part, en l’être métaphysique et essentiel (sub esse metaphysico et quidditativo).

» De ces deux mondes, le premier, du moins en grande partie, a été produit dans le temps (ex tempore) ; il a une durée continue et est sujel à la corruption. Le second est éternel, perpétuel et incorruptible.

» Tous les attributs qui, de soi (de la première manière ou de

1. Nicolai Boneti Op. laud., lib. 111, cap. XIX ; me. n » 6678, fol. 54, v », et fol. 55, r° ; ms. o « t6i3a, fol. 37, colt. a et b.