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L’ESSENTIALISME

En déclarant que Dieu n’engendre pas les êtres à partir d’une matière, mais qu’il les crée à partir du néant absolu, le Judaïsme, le Christianisme, l’islamisme ont, à côté de la notion de génération, introduit la mystérieuse notion de création qui ne trouve pas de place dans le système péri pâté ticien. De là, pour les admirateurs de ce système, la nécessité de l’élargir et de le transformer jusqu’à ce qu’il reçoive la notion de création ex niftilo ; de là, les tentatives variées des Néoplatoniciens hellènes, puis d’Avicenne et de ses disciples, enfin des maîtres de la Scolastique chrétienne.

Les maîtres de la Scolastique chrétienne eu sont venus, nous l’avons vu, à élargir la notion de puissance ; à côté de la puissance qu’Aristote considère, et qu’ils ont nommée la puissance subjective, ils ont placé une autre puissance, la puissance objective, qui soit à la création ce que la puissance subjective est à la génération.

Bonet considère, lui aussi, ces deux sortes de puissance la puissance objective et la puissance subjective ; mais entre elles, il complète l’analogie ; le rôle que la matière première joue à l’égard de la puissance subjective, il veut que quelque chose le joue à l’égard de la puissance objective, et ce quelque chose, c’est la quiddité de l’être.

« La puissance subjective, dit-il, c’est celle qui peut être amenée à l’acte substantiel ou accidentel ; cette puissance, ce n’est autre chose que la matière première qui, par la force d’un agent naturel, peut être amenée à l’acte substantiel et à l’acte accidentel. »

« Une des acceptions du mot puissance, dit-il également, désigne la puissance objective. Par puissance objective, j’entends une certaine chose positive qui sert de fondement à un certain rapport : ce rapport s’appelle l’orme Bernent la possibilité (possibilitas) ; ce rapport comporte la négation ou privation de l acté qui consiste à être et à exister (connotat negationem seu privationem actus essendi et existendi)…

» Prise en ce sens de puissance objectivé, la puissance est évidemment une propriété (passio) de l’être en tant qu’être, de l’être considéré comme désignant une quiddité que l’on peut distinguer des autres quiddités. La quiddité de l’être, telle qu’elle réside en la puissance objective, se trouve, en ce qui est d’elle-même, dépouillé de tout acte qui détermine, de tout acte qui contracte, de tout acte qui existe, et aussi de tout acte qui fait être et exister… »

i. Nicolaï Boneti Op. laud., lib. VI, cap. X ; ms. no 6678, foL 82, r° et fol. 83, ro ; ms, n® i6i32, fol. 5g, coll. b, c et d ; fol— 60, col, a.