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L’ESSENTIALISME

même (1329-1342) où les ordres franciscains avaient pour maître général Gérard d’Odon, dont Nicolas Bonet partage les doctrines atomistiques, au temps où Jean le Chanoine composait ses Questions sur la Physique, qui ne citent pas le nom de Bonet.

Bonet est, avant tout, un esprit clair ; les distinctions trop raffinées, trop savamment subtiles, ne sont pas pour lui plaire ; autant que possible, il les évite ; s’il adopte certaines des doctrines essentielles de François de Meyronnes, c’est à la condition de les simplifier.

Ce désir de clarté et de simplicité a pour effet, en chaque théorie, de mettre vivement en lumière les idées principales, tandis que tout ce qui est détail, atténuation, précaution se trouve plongé dans l’ombre. Les théories exposées se trouvent ainsi forcées de produire leurs conséquences ultimes, celles que, bien souvent, les auteurs de ces théories se fussent refusés à formuler explicitement.

En même temps qu’un système est, par là, contraint de mettre au jour ses conséquences extrêmes, il laisse voir à nu les défauts par lesquels il est vulnérable. Bonet, en général, voit clairement ce que l’on peut objecter aux opinions qu’il défend. En bien des cas, il reconnaît avec loyauté que les réponses à ces objections ne les font pas entièrement disparaître. « Que celui qui n’en sera pas satisfait cherche autre chose ! » Nombre de ses discussions se terminent par cette déclaration.

Ce besoin de mettre chacune des parties de la doctrine sous une forme simple, claire et saillante s’accommode mal des artiiices propres à masquer des désaccords entre ces diverses parties. Aussi la philosophie de Bonet manque-t-elle d’unité, et ce manque d’unité est-il très apparent. Les divers morceaux de cette philosophie se comprennent aisément ; ce qu’on ne voit pas, c’est comment ils se rejoignent. Tantôt Fauteur semble l’adepte convaincu d’une école ; tantôt il paraît se donner à une école toute contraire.

Nous ne chercherons pas à mettre en sa pensée une suite dont, peut-être, il ne se souciait pas ; puisqu’il a été disciple tantôt de dierons ici ce par quoi il se rapproche du premier de ces maîtres ; en un autre chapitre, nous dirons ce qu’il tient du second.

Bonet consacre entièrement le troisième livre de sa Métaphysique à la théorie des formalités ou quiddités ; ce sont deux termes entre lesquels il n’établit aucune différence, qu’il regarde continuellement comme synonymes.