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LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

mais qui s’efforcera de ne point trop altérer les pensées qu’elle souhaite de présenter.

Une même essence possède plusieurs propriétés qui lui sont essentielles, dout aucune ne pourrait être supprimée ou modifiée sans que cette essence devint une autre essence ; ainsi l’homme est un être animé, il est raisonnable etc. ; une essence où manquerait l’un de ces caractères, qu’expriment les mots : être animé, être raisonnable, etc., ne serait plus l’essence humaine. Ces propriétés essentielles d une essence sont des quiddités (quidditates), des raisons formelles ou bien encore des formalités[1].

Comment devons-nous concevoir ces formalités ? Faut-il imaginer, à l’exemple d’Avicébron, que chacune d’elles correspond, en l’essence, à une forme particulière ? « Certains disent[2] que le mot formalité vient de forme comme le mot matérialité vient de matière. Ils prétendent donc que plusieurs formalités ne sauraient exister sans plusieurs formes, non plus que plusieurs matérialités sans plusieurs matières. Mais c’est là une imagination trop grossière et trop digne d’un âne. Ista est nimis grossa et asinina imaginatio. »

Cette supposition rejetée, allons-nous admettre que les distinctions formelles qui déterminent, en une même essence, diverses quiddités, sont des divisions forgées par notre intelligence et que, par conséquent, les quiddités ne sont rien hors de notre esprit ? Non point ; nous affirmerons[3] que « les distinctions formelles sont dans la nature des choses et qu’elles ne sont point fabriquées par notre raison ». Les quiddités sont quelque chose hors de notre âme.

Mais alors ne serons-nous pas rejetés à l’extrême opposé ? Ne nous faudra-t-il pas, avec Jean de Bassols, admettre que toute distinction formelle est une distinction réelle et, partant, que toute formalité est une réalité ? Il semble que cette conclusion résulte nécessairement de ce qui précède ; « la première division de l’être, en effet[4], distingue entre l’être intérieur et l’être extérieur à l’esprit ; en outre, l’être extérieur à l’esprit est réel ; il faut donc que toute distinction posée hors de l âme, et. telle est, selon ce qui a été admis, la distinction entre ces formalités, soit une distinction réelle ».

1. Francibci de Mayhonis Conflatus, Dist. VIH, quæst. V, art. I ; éd. cit., foL 48, col. d.

2. François de Meyronnes » Ibid.

3. François de Meyronnes, qua&st, cit., art. III ; éd. cit., fol. col. c. 4— François de Meyronnes, /oc. Cf7. ; éd, cit., loi— 4<b coL d.

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