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L’ESSENTIALISME

nes[1]. « Bien que, de soi, la raison, invoquée par ce docteur soit vraie, elle n’est cependant pas démonstrative, car la conclusion est plus évidente que l’une des deux prémisses. En effet, on trouve plus de gens pour accorder que Dieu peut créer de rien qu’on n’en trouverait pour admettre qu’il peut tout ce qui n’implique pas impossibilité au premier sens du mot. » Par une discussion minutieuse que de nombreux exemples éclaircissent, notre franciscain montre combien de tels raisonnements cachent de paralogismes.

De l’examen auquel il vient de se livrer, il se croit en droit de tirer la conclusion suivante[2] :

« Je réponds donc en ces termes à la question posée : Bien que le dogme de la création soit, par lui-même, susceptible de démonstration, pour nous, cependant, il n’est pas démontrable ; ainsi qu’il a été dit pour le dogme de la trinité. Aussi personne ne s’est-il jamais intentionnellement proposé de le démontrer, sauf ce docteur dont le raisonnement, on l’a vu, prête le flanc à bien des critiques. »

Bien loin de croire qu’Henri de Gand a donné, de la création dans le temps, une démonstration évidente, François de Meyronnes, qui ne mentionne même pas cette démonstration, regarde comme impossible à l’homme d’établir, par un raisonnement irréfutable, aucun des articles essentiels du dogme de la création ; plus fermement qu’aucun de ses prédécesseurs, il affirme, en cette question, l’impuissance radicale de l’argumentation philosophique.

Cette divergence n’est pas la seule qui sépare François de Meyronnes d’Henri de Gand ; on en pourrait citer beaucoup d’autres, et de grande importance ; et cependant, il est une vérité qui apparaît clairement à celui qui médite l’œuvre du philosophe franciscain : Celui-ci est constamment sollicité par l’influence du vieux docteur parisien et cette influence le conduit à interpréter dans un sens nouveau les enseignements qu’il a reçus de Duns Scot. On ne pourrait, comprendre, par exemple, ce que François de Meyronnes entend par formalité, réalité, hœccéité, si l’on perdait le souvenir de la distinction qu’à la suite d’Henri de Gand, il a posée entre l’essence et l’existence.

De ces difficiles théories de notre auteur, essayons de donner une exposition qui sera assurément simplifiée et approximative,

1. François de Meyronnes, loc. cit., pars II, punctum III ; éd. cit., fol. 247, coll. b et c.

2. François de Meyronnes, loc. cit, circa finem quæstionis : éd. cit., fol. 248 col, c. t

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