Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VI.djvu/475

Cette page n’a pas encore été corrigée
465
L’ESSENTIALISME

philosophes avaient cru démontrer l’éternelle existence du Monde, puis, plus longuement, ceux[1] par lesquels les théologiens avaient pensé établir que cette éternité est contradictoire.

Au sujet du problème même de la création, François de Meyronnes établit plus fermement ses thèses en une de ses discussions quodlibétiques. La question posée était la suivante[2] : Un chrétien suffisamment instruit en la Théologie peut-il défendre le dogme de la création contre des adversaires si savants qu’on les veuille supposer ?

Fort logiquement, notre auteur subdivise cette question en deux autres : En premier lieu, peut-on défendre le dogme de la création à partir du néant ? En second lieu, peut-on le démontrer ? Que cette distinction soit nécessaire, qu’il ne faille point confondre la réfutation des objections soulevées contre une proposition avec la démonstration de cette proposition, c’est ce qu’il marque avec beaucoup de sens[3] :

« On dit : Résoudre les doutes qu’on nous oppose, c’est rendre manifestes les propositions que nous avons formulées ; celui donc qui résout bien les objections semble rendre suffisamment clair ce qu’il a i’intention de prouver ; si donc le théologien peut résoudre tous les doutes qu’on lui oppose, il pourra démontrer toute vérité transcendante à notre faculté.

» Je réponds que pour démontrer notre proposition, il ne nous suffit pas de résoudre toutes les objections qui nous sont faites. Celui, par exemple, qui soutiendrait que les astres sont en nombre pair pourrait aisément résoudre tout ce qu’on lui objecterait, car on ne saurait former de solides raisons en faveur de l’opinion contraire ; toutefois, il ne pourrait par là démontrer sa propre proposition. S’il en était autrement, toute proposition à l’encontre de laquelle on ne peut produire une démonstration se trouverait démontrée.

» On dit encore que celui qui réfuterait les objections d’une manière suffisante démontrerait par là que sa proposition n’implique aucune répugnance, puisqu’il dissiperait toutes les impossibilités qui ont été invoquées. Or, dans le domaine des choses divines, tout ce qui n’implique aucune contradiction existe en fait, car, dans le domaine des choses éternelles, pouvoir être et être

1. Francisci de Mayronis Op. laud., Dist. XLIV, quæslt. II, III et IV. Dist. XLV [non marquée], quæstt. I, II, III. Ed. cit., fol. 159, col. d, à fol. 160, col. d.

2. Francisci de Mayronis Quœslîones quotibelales, quæst. IX : éd. cit. foi. 244 » col. c, à fol. 248, vol. c.

3. François de Metronnes, loc. cit., parsl ; éd. cit., fol. 244, col. d.

  1. 1
  2. 2
  3. 3