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LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

idées, nous le voyons apparaître avec Antonio d’Andrès ; Jean do Bassols en formule nettement le principe lorsqu’il dit : Au sein des créatures, tout ce qui est formellement distinct est, aussi, réellement distinct ; toutefois, l’originalité et la clarté de son intelligence le sauvent des excès qui allaient discréditer le Scotisme.

De ce Scotisme minutieux et obscur dont les défauts portèrent si grand tort au bon renom de la Scolastique, le véritable initiateur, fut François de Meyronnes, qui mérita le surnom de Magisfer abstractionum. Pour en trouver le premier monument authentique, il faut ouvrir ce volumineux commentaire au premier livre des Sentences qui a reçu le nom de Conflatus. Ici, la discussion philosophique se poursuit par le rapide entrechoc des objections, des réponses, des instances, des répliques ; chacune des attaques ou des ripostes est grêle et scche comme les épées qu’un duel entrecroise ; elle se condense en une seule proposition, elle se concentre en une seule ligne ; l’usage incessant des ternies techniques permet seul cette extrême concision ; aucun développement de quelque étendue, aucun exemple concret n’accorde le moindre temps de repos à l’esprit que tend à l’excès cette dialectique abstraite et minutieuse. Une lecture quelque peu prolongée du Conflatus nous fait comprendre l’énervement et l’irritation qui ont dicté les diatribes d’un Didier Erasme ou d’un Louis Vives contre la philosophie scolastique.

Franciscus de Mayronis[1] tire son nom du village de Meyronnes, qui appartient aujourd’hui au département des Basses-Alpes. Barthélemi de Dise le dit de Sisteron. Il est désigné comme étant de Digne en une bulle que Jean XXII adressa en 1322 au chancelier de Paris pour que la licence en Théologie fût conférée à François de Meyronnes, bachelier depuis plusieurs années. Cette bulle avait été écrite à l’instigation de Robert d’Anjou, roi de Sicile (Naples).

Il semble qu’une fois licencié, François de Meyronnes n’ait enseigné la Théologie à Paris que pendant deux années ; on n’a de lui, en effet, que deux discussions quodlibétiques[2] composées

1. Voir, au sujet de ce personnage, Lucæ Waddingi Scriptores Ordinis Minorum, Novissima editio, Romæ MCMVI, pp. 85-86. — Sbàralbæ Stinplementum ad Scriptores trium Ordinaux S. Francisci, Nova editio Pars 1, Romæ MCMVIJI, pp. 283-288. — U. Chevalier, Répertoire des sources historiques du Moyen-Âge. Bio-bibliographie. 2e éd., t. II, 1907, p. 3171.

2. D’après l’ordre et la nature des questions traitées sous le titre de £bza ?s- tiones puoïibeta/es ou de il nous semble que ces questions doivent appartenir a deux Quodïibets dont Fun comprendrait les douze premières questions et Faulre les quatre dernières ; cette hypothèse semble confirmée par ce fait que la quatorzième question et la quinzième question comment-

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