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CHAPITRE VI
L’ESSENTIALISME

I
François de Meyronnes


En toute notion, par une analyse d’une extrême minutie, distinguer une foule de concepts partiels dont la séparation est si ténue qu’on la peut à peine percevoir ; à ces concepts multiples et si difficiles à définir, attribuer des dénominations qui sonnent en néologismes barbares à toute oreille soucieuse de la pureté latine ; par un étrange abus du réalisme, prétendre que ces concepts, dissociés les uns des autres par la dissection logique d’une même notion, sont, vraiment, des parties de la chose que représente cette notion ; affirmer que ces parties sont séparées les unes des autres par elles-mêmes et hors de toute opération de notre esprit ; imaginer donc, au sein des objets que la nature nous présente, une foule de distinctions réelles et, cependant, à peine discernables ; telle est la besogne que les Humanistes de la Renaissance reprochaient aux Scotistes d’accomplir.

Le Scotisme ainsi défini ne saurait s’autoriser pleinement de l’exemple de Duns Scot. Sans doute, par la minutie de son analyse logique, celui-ci a mérité, de ses contemporains et de ses disciples immédiats, le surnom de Docteur Subtil. Mais, le P. Parthenius Minges l’a dit et nous l’avons répété, Scot a su se garder du réalisme excessif ; il a eu soin de ne pas chercher au sein des choses les distinctions que sa dissection intellectuelle pratiquait dans les idées.

Ce réalisme exagéré qui devait compliquer le monde de la nature comme le Docteur Subtil avait compliqué le monde des