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DUNS SCOT ET LE SCOTISME

» Quant au second point, voici ce que je dis : Supposé que Dieu soit l’être premier absolu et le plus parfait qui soit dans l’Univers ; supposé, en outre, que l’on doive admettre un tel être, ce qui, comme je l’ai dit au premier livre, n’est pas démontré ; je ne regarde pas encore comme démontré que tous les autres êtres proviennent de celui-là à titre de cause efficiente… Les philosophes ont approché de cette proposition, mais ils ne l’ont pas démontrée ; ils ont donné seulement des considérations persuasives et probables… Quant aux autres, leurs raisons sont fort probables, mais cependant, elles ne démontrent pas avec évidence et je vais y répondre. »

Bassols montre, en effet, tout ce que ces raisons renferment de douteux, et il conclut en ces termes[1] : « Je dis donc que toutes les choses qui sont réellement hors de Dieu ont Dieu pour cause efficiente. Mais il ne paraît pas que cela ait été démontré d’une manière efficace et évidente. Toutefois, les raisons invoquées ci-dessus sont, à mon avis, beaucoup plus probables que les raisons que l’on peut donner à l’appui de la thèse opposée. On peut donc, aux autorités citées, répondre qu elles disent vrai, en entendant par là qu’elles s’appuient à une raison fort probable, beaucoup plus probable que toute raison que l’on pourrait apporter en faveur de l’opinion contraire, en sorte que les philosophes se trouvent réfutés. »

C’est donc avec méfiance, bien qu’avec une méfiance inégale, que Bassols examine les démonstrations proposées par les deux philosophies, par la philosophie des sages du paganisme et de l’Islam et par la philosophie des docteurs chrétiens ; de cette attitude sceptiquement prudente, il ne se départit même pas à l’égard des raisonnements qui prétendent prouver cette proposition culminante : Il existe, en l’Univers, un être absolu et suprême. Après avoir exposé ces arguments, il poursuit en ces termes[2] :

« Il me reste à dire ce qui me semble des raisons que l’on a invoquées afin de prouver qu’il y a, en l’Univers, un certain être absolument premier. Il me paraît qu’elles sont fort probables, et beaucoup plus probables que toutes les raisons que l’on pourrait donner en faveur de la thèse opposée ; il me paraît qu’il est difficile d’y répondre. Mais, en second lieu, il me semble que ce ne sont pas des démonstrations, et qu’on les peut résoudre avec probabilité, en sorte qu’elles ne sauraient contraindre l’intelligence à

  1. Jean de Bassols, loc. cit., fol. VII, col. a.
  2. Joannis de Bassolis Op. laud., Lib. I, Dist, II, quæst. I, foL. XLVII, col. b et col. d.