qu’au gré d’Aristote et d’Averroès, les substances éternelles sont formellement nécessaires, en sorte qu elles ne sont ni créées ni causées par Dieu. À l’appui de cette opinion, Henri invoquait force arguments que Bassols résume. En dépit de ces arguments, celui-ci ne croit pas[1] que celui-là « ait saisi la pensée d’Aristote et du Commentateur.
» Du Commentateur, tout d’abord, je dis qu’en cette matière, il s’est expressément contredit lui-même…
» Quanta l’intention d’Aristote, elle me paraît être plutôt la suivante : Les êtres incorruptibles existent effectivement par Dieu et, par l’intermédiaire de ces êtres corruptibles, il en est de même des êtres incorruptibles ; l’opinion du Philosophe me paraît être celle-là plutôt que l’opinion contraire.
» À d’autres personnes, il semble qu’en cette matière, Aristote a titubé et est demeuré constamment dans le doute, en sorte qu’il a jeté des paroles tantôt dans un sens et tantôt dans l’autre ; aussi ne leur parait-il pas possible de démontrer que l’intention d’Aristote ait été de faire de Dieu la cause efficiente de toutes choses comme il en est la première cause finale.,.
» Je dis qu’il n’y a lieu, ni en cette question ni en beaucoup d’autres, de prendre grand souci de l’intention d’Aristote ou des autres philosophes, car ils ont grandement erré en maintes circonstances. Cependant, en cette matière, Saint Augustin témoigne plus de confiance aux platoniciens qu’aux autres. »
Si les Philosophes n’ont pu donner à la question posée aucune réponse ferme, certains théologiens se sont crus capables de faire davantage. « Certains docteurs modernes[2] affirment que l’on peut prouver d’une manière démonstrative, au moyen de ce qui nous apparaît, que Dieu est la cause efficiente de tous les êtres qui existent hors de lui. Dans ce but, ils apportent beaucoup de raisons qu’ils regardent comme des démonstrations. »
Bassols va-t-il partager cette confiance ? Non pas. « Je dis en premier lieu, avec tous les docteurs catholiques, que toutes les choses qui existent réellement hors de Dieu ont Dieu pour cause efficiente.
» Je dis, en second lieu, que je n’en ai pas de démonstration ; je ne vois pas, en effet, que les précédentes raisons démontrent d une manière évidente.
» Le premier point, je le prouve par l’autorité de la Sainte Écriture…
1. Jean de Bassols, loc. cit., fol. 111, coll.c et d.
2. Jean de Bassols, loc. cit., fol, IV, coi. b, et fol. V, col. c.