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DUNS SCOT ET LE SCOTISME

puissance, L’universel, en effet, n’existe en acte que par l’action de l’intelligence… »

En dépit de cette profession de foi conceptualiste, les tendances réalistes de l’auteur percent en mainte proposition relative à la nature du principe d’individuation ; il avoue, d’ailleurs, que ces propositions sont en contradiction formelle avec celles que le Docteur Subtil a énoncées. « Quelqu’un (unus), dit-il[1], en désignant par là son propre maître, quelqu’un prétend que cette différence individuelle n’est pas, par essence, un être, qu’elle en reçoit seulement le nom (zsZa differentia individualis quidditative non est ens, sed tantum de nominative)… Je prétends que cette différence peut être appelée un certain être ou une certaine réalité distincte de la réalité de la nature susceptible d’être contractée en individus… Cette différence est distincte de la nature, réellement et, partant, formellement. Qu’elle en soit distincte formellement, cela est évident par ce qui précède ; la nature créée ou essence spécifique n’est pas, d’elle-même, individualisée (hæc) ni singulière, car alors elle ne serait pas susceptible de pluralité. Qu’elle en soit distincte réellement, cela est patent au premier abord, car toutes les choses qui, dans les créatures, se distinguent formellement, ces choses-là sont, aussi, réellement distinctes. »

« Omnia quæ distinguuntur in crealuris formaliter, distinguuntur etiam realiter ! » En vertu de ce principe, toutes les formalités que Duns Scot avait simplement regardées comme les résultats d’une dissection logique vont devenir des choses réellement distinctes. Ce principe, qui a marqué le point de départ de la méthode d’Avicébron, conduira à tous les excès du Scotisme.

En vertu de ce principe, l’hœccéité n’est plus une simple formalité ; c’est un être réelle ment distinct de la nature spécifique. Cherchons à préciser la relation qui existe, selon Jean de Bassols, entre la nature spécifique et le principe d’individuation ; les considérations que nous allons lire nous rappelleront celles que nous avons rencontrées dans les écrits d’Antonio d’Andrès.

« De même que la différence spécifique[2] est une certaine réalité ou formalité réelle distincte du genre, qui s’ajoute et s’adjoint au genre pour constituer l’espèce,… de même cette différence individuelle est une certaine formalité réelle, formellement, mais non essentiellement, distincte de la nature spécifique ; elle concourt

1. Joanmis ni Bassolis, /oc. ciZ, éd, cit, , t— 11. foL LXXXI1, coll. c et d.

2. JoANNiâ de Zoc. ctL ; éd. eik, t* foL LXXXII, coll. b et c.

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