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DUNS SCOT ET LE SCOTISME

trois principes, Antonio d’Andrès ne cesse de soutenir, avec Duns Scot et avec toute l’Ecole franciscaine, que la matière n’est pas pure puissance, qu elle possède par elle-même une certaine actualité, et donc qu’elle a pu être créée par Dieu sans aucune forme substantielle ni accidentelle ; à cette dernière proposition, il en joint une qui la complète en affirmant de la forme ce que Scot s’était borné à dire de la matière ; « Dieu, écrit-il au cours d’une réplique à Pierre Auriol[1], peut créer la matière ou la forme sans le composé. »

Antonio d’Andrès semble s’écarter de son maitre lorsqu’il prétend dire de quelle sorte est l’actualité de la matière. Les dires épars du Docteur Subtil à cet égard impliquent adhésion, semblet-il, à la doctrine d’Henri de Gand et de Richard de Middleton ; cette doctrine, Antonio la connaît fort bien et la résume fort clairement, mais c’est pour la rejeter :

Cette théorie, écrit-il[2], « place en la matière une certaine nature qui est purement en puissance et qu’elle nomme le potentiel pur ; cette nature préexiste en la matière d’où la forme doit être tirée.

» Cette opinion, si on la veut réduire en forme, consiste, pour ainsi dire, en six propositions :

» Première proposition : Ce potentiel pur est cette pure puissance de la matière dont on suppose que la forme corporelle est tirée lorsqu’on dit que les formes sont extraites des puissances de la matière.

Seconde proposition : Ce potentiel pur n’est pas identique à la matière ; mais, par l’action d’un agent naturel, il peut être changé en forme.

Troisième proposition : Ce potentiel pur n’est pas un être en acte ; par conséquent, il ne peut jouer un rôle actif, car agir est le propre d’une chose en acte.

Quatrième proposition : Il n’est pas intelligible par lui-même…

Cinquième proposition : Ce potentiel pur est actuellement en la matière, non par quelque actualité qui lui soit propre, mais par une autre actualité de la matière ; cette actualité est celle qui, parmi les êtres, occupe le degré infime de l’actualité.

Sixième proposition : Lorsque ce pur potentiel est changé en forme, il n’est pas anéanti ; sans doute, il ne demeure pas tel qu’il était auparavant ; mais ce qui demeure, c’est l’actualité de la

1. Antonh Andreæ De tribus principiis quæst. XlII(Pars III, quæst. Il) : Quantum ad secundum, ostendam octo concl tisiones,.. Septima conclusio.

2. Antonh Andreæ De tribus principes quæst. VU (Pars II, quæst. I) : Respondeo circa istam quæstionem…

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