Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VI.djvu/445

Cette page n’a pas encore été corrigée
435
DUNS SCOT ET LE SCOTISME

raisonnement est évidente par les termes mêmes ; quant à la mineure, elle est patente ; ces espèces, en effet, sont, à la fois, différentes et non diverses ; elles se distinguent les unes des autres par les différences spécifiques, mais elles se réunissent en un même genre ; or le genre est quelque chose de matériel et la différence quelque chose de formel.

» Ce raisonnement est confirmé par ceci : Tout ce qui, de soi même, existe en un certain genre est composé de quelque chose qui peut être contracté, et de ce qui contracte ce quelque chose ; donc d’un principe matériel et d’un principe formel. »

Ces principes, non seulement Andrès les énonce, mais il les applique en mainte circonstance. Comme Duns Scot, il nous apprend[1] que « les deux réalités dont se compose l’être en général sont, en certains êtres, réellement et essentiellement distinctes ; c’est ce qui a lieu, en particulier, pour ceux qui possèdent plusieurs formes substantielles ; en ce cas, la réalité qui caractérise le genre est prise d’une chose et la réalité qui constitue la différence est tirée d’une autre chose. Nous en trouvons un exemple en l’homme ; la réalité générique se tire de la forme sensitive et la réalité de la différence spécifique se prend en la forme rationnelle ».

Or, lorsqu’il existe plusieurs formes substantielles en un même composé, « on peut, pour éviter les chicanes, dire[2] qu’il y a une existence unique, totale dernière et spécifique qui provient d’une forme unique, spécifique et ultime ; un tel composé se divise alors en deux parties, savoir : un acte prochain qui est la forme ultime, et une puissance propre à cette forme, puissance qui comprend la matière première et toutes les formes précédentes. »

Que l’on revienne maintenant à cette proposition : L’hœccéîté est à l’essence spécifique ce que la différence spécifique est au genre, et l’on sera forcément conduit à cette conclusion : Le rapport de l’hœccéité à l’essence spécifique n’est pas celui d’une matière à une forme, mais bien celui d’une forme à une matière. L’hœccéité vient contracter l’essence comme la forme spécifique unique vient contracter l’ensemble, comparable à une matière, de la matière première et de toutes les formes précédentes.

Cette théorie, qui deviendra commune en l’École Scotiste, il semble qu’Antonio d’Andrès, oublieux de la doctrine qu’il sou-

1. Antonii Andreæ De tribus principiis, loc, cito sed contra islam conclusionem iustatür.

2. Antoniî Andre.k De tribus principiis, quæst. X (Pars II, quæst, IV) : Mec rationes aherïus opinionîs concludunt.

  1. 1
  2. 2