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DUNS SCOT ET LE SCOTISME

« La matière et la forme, dit-il[1], sont deux termes opposés l’un à l’autre… Autant il y a de manières d’entendre l’un de ces deux termes corrélatifs, autant il y a de manières d’entendre l’autre… Or, en ce qui concerne le sujet que nous nous proposons d’examiner, le mot forme peut être pris en deux sens différents ; ou bien il désigne la forme qui est partie du composé, ou bien la forme du tout, qui est l’essence spécifique elle-même, De même, et d’une manière correspondante, le mot matière se dit en deux sens ; il y a une matière qui s’oppose à la forme, partie du composé ; c’est cette matière-là qui est l’un des principes essentiels de la chose, qui, avec la forme constitue la chose, c’est-à-dire un être un par lui-même ; il y a aussi une matière que l’on oppose à la forme du tout ; cette matière-là, c’est la différence ou propriété individuelle ; elle est la propre cause de l’hœccéité ou individuation, et l’on peut la nommer hœccéité. » « Cette matière[2] qui correspond à la forme du tout, contraint l’essence spécifique à devenir telle chose singulière (hoc) ; elle est cette propriété individuelle qui, avec l’essence spécifique elle-même, constitue un être un par lui-même qui est un individu de l’espèce » correspondant à cette essence.

En son traité Des trois principes, Antonio d’Andrès indique[3] comment il a été amené à opposer l’individuation à la quiddité spécifique comme une matière à une forme ; l’individu, en effet, est le sujet auquel est attribué le caractère plus général qu’est plus générale, est attribuée à l’autre, plus particulière, celle-ci peut être regardée comme matière par rapport à celle-là, qui joue le rôle de forme ; ainsi la différence spécifique peut être regardée comme une matière par rapport au genre.

Prendre la relation qui existe entre l’essence spécifique et l’hœccéité et la comparer à la relation qui existe entre le genre et la différence spécifique, ce n’eût pas été du goût de Duns Scot ; le Docteur Subtil avait prevu cette comparaison, mais pour la rejeter ; il avait dit[4], au sujet de l’essence spécifique et de l’hœccéité : « Ces deux réalités ne peuvent être une chose et une autre chose (res et res), comme peuvent l’être la réalité d’où se prend le

1. ÀNTONti Andrkæ m AfetapAffsicam, Lib. V, quæst. VI ; éd. cit., foL 24, coll. a et b.

2. Antonh Andheæ Op. laud., Lib. VII, quæst. VU ; éd. cit., foL 35, col. d.

3. Antonu Andreæ De tribus principiis, Pars I, quæst. VI (commençant par les mots : ad quintum).

4. Joannis Duns Scoti CAron/ense, Lib. II, Dist. III, quæst. VI.

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