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L’INDIVIDUATION ET LA QUIDDITÉ SPÉCIFIQUE

l’on perçoit un objet singulier, c’est la nature soumise à la singularité qui est la raison formelle (ratio formalis) immédiatement perçue (obvia), bien que le tout individuel soit perçu comme étant quelque chose…

» Vous demanderez comment cette singularité ou liœccéité se comporte à l’égard de l’objet, puisqu’elle n’en est pas la raison Formelle… Je répondrai qu’elle a, à cet objet, la relation d’une condition nécessaire (causa sine qua non)… L’objet propre du sens, c’est la nature indifférente elle-même ; mais elle ne peut être perçue sans la singularité. »

Quelle opinion Antonio d’Andrès se forme-t-il de cette hœcccité ? Pour le comprendre, il nous faut arrêter un momeut notre attention sur une théorie qu’il emprunte à Scot, mais qu’il développe avec une sorte de prédilection en ses divers écrits[1]. Cette théorie se compose des propositions suivantes : « Le compose de matière et de forme est une certaine entité réellement distincte des parties constitutives de ce composé… Cette entité du composé, distincte des entités des parties, est une entité absolue… Cette entité du composé, distincte des parties, est ia forme du tout, c’est-à-dire l’essence spécifique (quidditas). » Cette forme n’est pas une certaine forme plus parfaite que la forme, partie du composé, qui se surajouterait à cette dernière ; ce n’est pas davantage un intermédiaire qui viendrait unir la matière à la forme au sein du composé ; ce n’est pas non plus une forme qui, prenant le composé tout entier pour l’informer, à la façon d’n ne matière, en accroîtrait la perfection ; cette forme du tout, du composé, ce n’est pas autre chose que la nature, que l’essence spécifique.

Cette singulière théorie de Scot n’avait pas manqué de surprendre plusieurs de ses successeurs immédiats ; aussi bien eu sa Métaphysique qu’en son traité Des trois principes[2], Andrès nous apprend que Pierre Auriol la critiquait et la rejetait.

Or, cette théorie est celle à laquelle Antonio d’Andrès fait appel l’hœccéité ; si l’essence spécifique peut être regardée comme une forme de l’ensemble du composé, l’hœccéité peut être considérée comme la matière qui correspond à cette forme.

1. Antonii Andreæ in quatuor1 libros Sententiarum ; Lib. III, Dist. f I, quæsL II ; éd. cit., foi. 92, coll. b# c, d* — Quæstiones super XII libros Metaphÿ &icæt Lib. VII, qtiæsL XVIII ; éd* cit., foL 43, colL b, c, d. — De tribus prtncipiiSf quæsl. Xllh et ultima (IHa pars, quæst. II), quantum ad secundum,

2. Antonii Andreæ Quæstiones in Metaphysicam, ïoc. cit. ; éd, citM foL 4^ col. d. — De tribus principiis, loc. cit.

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