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DUNS SCOT ET LE SCOTISME

forme substantielle sont des universaux réels, qui existent indépendamment de notre raison ;

« Lors même qu’aucune intelligence n’existerait, écrit-il, cet objet blanc continuerait à être semblable en blancheur à cet autre objet blanc ; il y a donc une certaine unité réelle qui est le fondement prochain de celte relation, car cette relation ne saurait avoir, pour fondement formel, un simple être de raison ; d’autre part, cette unité n’est pas une unité numérique, car cet objet blanc-ci et cet objet blanc-là ne sont pas numériquement le même objet blanc ; ce qui est un, en effet, ne peut être semblable à lui-même ; cette unité est donc quelque unité autre que l’unité numérique.

« De même, en l’absence de toute intelligence, ce feu-ci continuerait d’engendrer ce feu-là qui lui est semblable en forme ; c’est, en effet, à cause de la forme que le générateur engendre son semblable… ; cette génération est une génération univoque ; or la génération univoque requiert l’unité de la forme en ce qui engendre et eu ce qui est engendré ; mais cette unité n’est pas l’unité numérique ; c’est donc quelque autre unité ; et c est, toutefois, une unité réelle, car elle existe même en l’absence de toute intelligence, comme il a été dit (et est realis, quia circumscripto omni intellectu, ut dictum est). »

H y a plus, cet universel réel, doué d’unité, mais d’une unité d’ordre inférieur à l’unité numérique, c’est lui seul que le sens perçoit lorsqu’il est mis en présence d’un objet singulier. Antonio d’Andrès soutient cette opinion à l’endroit que nous venons de lire, et il l’avait déjà formulée auparavant.

« L’objet singulier, avait-il écrit considéré en tant que singulier, n’est pus l’objet propre du sens ; l’objet propre du sens, c’est une certaine chose réelle (aliquid reali), dont l’unité est supérieure à l’unité universelle, mais inférieure à l’unité numé rique…

» Il faut remarquer, à ce sujet, qu’il y a deux choses à considérer en l’être singulier ; d un côté, la singularité elle-même, que l’on peut nommer hœccéité ; de l’autre, la nature qui est le sujet de la singularité ; par elle-même, celte nature est indifférente à être tel individu (hoc) ; puis donc qu elle est indifférente, elle précède la singularité, et la priorité par laquelle elle précède celte singularité est précisément ce à quoi elle doit cette indifférence et son unité réelle, inférieure à l’unité numérique. Lors donc que

1. Antonii Andreæ Op. laud, Lib. I, quæst. VIII ; éd. cit, fol. 9, col. d.

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