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LE CONCEPTUALISME DIVISE LES SCOTISTES

Duns Scot fut plus heureux ; tant à Oxford qu’à Paris, son enseignement suscita une foule de disciples qui s’appliquèrent à commenter, à éclaircir, à développer les théories du Maître, voire à les modifier en divers sens avec une grande liberté. Parmi ces philosophes, beaucoup appartenaient à l’ordre de Saint François : tels Antonio d’Andrès, Jean de Bassols, François de Meyronnes, Guillaume d’Ockam ; mais d’autres, comme Jean Marbres, surnommé le Chanoine, ne semblent pas avoir revêtu la bure des frères mineurs.

Le développement des pensées de Duns Scot se fit en deux sens différents et comme opposés.

Scot avait produit un système philosophique que l’abus des distinctions et des divisions rendait singulièrement compliqué. Ses premiers disciples s’ingénièrent à exagérer ce défaut. Ils s’appliquèrent à séparer les unes des autres, plus complètement que même temps, ils se gardèrent de son très sage conceptualismè et accordèrent une valeur réelle à mainte distinction que le Docteur Subtil avait déclarée purement formelle et logique. Ainsi se développa peu à peu, en un enchevêtrement toujours plus complexe d’arguties toujours plus ténues, la méthode philosophique qu’on a nommée le Scotisme.

En opposition avec le Scotisme, et par réaction contre lui, certains disciples de Scot s’appliquèrent à dégager les théories essentielles du maître de toutes les subtilités inutiles qui les embarrassaient. En accomplissant une telle besogne, ils demeuraient, semble-t-il, plus fidèles à la véritable pensée de Scot que ceux auxquels le titre de Scotistes allait être attribué. Ils en appelaient sans cesse à ce principe que le grand philosophe franciscain aimait à invoquer : Il ne faut pas recourir à un grand nombre de causes pour expliquer ce dont on peut aussi bien rendre compte par des causes peu nombreuses. Ils gardaient, surtout, le conceptualisme que Scot avait si souvent formulé, et, par là, ils évitaient de réaliser des abstractions.

L’influence de Pierre Auriol, qui opposait, en la philosophie franciscaine, une sorte de contrepoids à l’influence de Duns Scot, l’influence de Pierre Auriol, disons-nous, contribua certainement à la création de cette méthode. De Guillaume d’Ockam elle reçut son achèvement ; aussi la nomme-t-on justement l’Occamisme.

Parmi ceux que l’on a nommés Scotistes, nous choisirons seulement, afin de comparer les idées qu’ils ont professée à celles