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DUNS SCOT ET LE SCOTISME

» Il est donc évident que concevoir Dieu comme le plus noble des êtres, c’est le concevoir comme l’être qui possède le plus de force et d’activité. Sinon, Dieu serait un être inutile ; il ne pourrait punir les impies et les désobéissants ; il ne pourrait récompenser ceux qui lui sont soumis ; tout cela est absurde.

» Aussi la secte tout entière crie-t-elle bien haut, comme une vérité évidente de soi, que ses dieux sont tout puissants. Et en effet, les Philosophes l’avaient reconnu à première vue, comme ils ont connu que Dieu sait tout. Mais ensuite, ils n’ont pas compris que la création fût possible ; ils n ont pas compris non plus que Dieu pût agir librement ; ils ont pensé qu’il ne pouvait point agir sinon par une volonté immuable qui fût identique à Dieu et qui fut, par conséquent, un certain être nécessaire ; par là, ils ont été écartés de la vérité et ils se sont tournés d’un autre côté ; dans leurs temples, ils ont continué de confesser que Dieu était tout puissant, mais ils l’ont nié dans leurs écoles, comme le dit Saint Augustin au traité De la vraie religion.

» Le mieux est donc de garder la vérité, qui est évidente d’elle-même, et de résoudre les objections qui lui peuvent être opposées. Il nous faut tout simplement accorder que Dieu est, de tous les êtres, le plus puissant et le plus actif. »

En dépit du désir qu’il éprouvait d’accorder ensemble la Philosophie péripatéticienne et la doctrine catholique, Auriol est forcé de reconnaître que la dissonance entre elles est irréductible, et cela en la plus essentielle des questions, au sujet de l’idée même que nous devons nous faire de Dieu. Jamais le premier Moteur immobile d’Aristote ne pourra être le Dieu des Chrétiens : il n’est même pas le Dieu du sens commun.

IV

Le Scotisme. Antosio d’Andrès

Saint Thomas d’Aquin forma peu de disciples immédiats qui, tout en demeurant fidèles aux principes essentiels de sa doctrine, i’ussent capables, cependant, d’en développer les conséquences avec indépendance et originalité. De ceux qui se réclament de lui, Godefroid de Fontaines et, surtout, Gilles de Rome, sont à peu près les seuls dont i influence, à la fin du xiiie siècle et au début du xive siècle, ait eu quelque force.