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AVERROÈS ET ARISTOTE CONTREDISENT FOI ET RAISON

Moyen Âge ait entendu donner de l’enseignement d Aristote et d’Averroès touchant la nature des moteurs célestes. De cet exposé, quelle sera la conséquence tirée par l’Archevêque d’Aix ? La voici[1] :

» À titre de conclusion de tout cet article, nous devons retenir que, selon la pensée des Philosophes, le premier Principe ne meut aucun orbe d’une manière exécutive ; il meut seulement à la manière d’une fin, d’un art universel en qui toute forme naturelle se trouve contenue d’une manière exemplaire. Quant aux moteurs exécutifs, ils sont unis [aux corps des cieux] à la manière de formes qui agissent et qui, suivant un certain ordre naturel, imposent à la corporéité de chaque orbe, à ce qui en constitue la substance, de prendre une figure déterminée, un mouvement naturel et un mouvement universel, enfin toutes les propriétés qui conviennent à sa nature...

» D’après cela, Dieu ne possède aucune puissance active, soit pour déterminer d’une manière exécutive les mouvements des orbes, soit pour produire les corps célestes ou bien les substances séparées, soit pour quelque autre opération. Il est simplement la fin ultime à laquelle tendent tous les êtres, et la forme la plus noble.

» Voilà quelle est l’opinion de ces Philosophes, telle que nous l’avons déduite ci-dessus, en admettant l’impossibilité de la création. La vérité de notre loi, cependant, a plus de probabilité ; non seulement, ce que la foi catholique enseigne [à ce sujet] est vrai et inébranlable, mais encore cela paraît, jusqu’à un certain point, connu de soi. Imaginer, en effet, un Dieu sans force, sans pouvoir efficace, absolument infirme, dénué de toute vigueur, le plus impuissant de tous les êtres, cela parait aussi déraisonnable et absurde que de l’imaginer absolument privé de science ; cette dernière conclusion, cependant. Aristote l’objecte à Empédocle comme contradictoire. Il semble que la puissance active implique perfection d’une manière absolue, au même titre que la science. Il vaut mieux, pour quelque être que ce soit, avoir force et activité que de ne posséder aucune sorte de pouvoir ; et il semble que cette vérité soit évidente par elle-même comme il est évident de soi qu’il vaut mieux posséder la science que d’en être privé. Si l’on demandait une preuve de l’affirmation qui concerne la force active, il faudrait, avec autant de raison, ou demander une de la proposition qui concerne la science.

1. Pierre Auriol, loc. cit., p. 965.

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