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LE CIEL EST MÛ PAR DEUX MOTEURS

Métaphysique s’exprimait, à plusieurs reprises, en des termes qui marquent l’accord de sa pensée avec celle d’Aristote.

Parmi les contemporains d’Auriol, beaucoup interprétaient de cette manière la pensée d’Averroès ; Auriol ne l’ignore pas[1] ; aussi passe-t-il en revue, d’une manière très loyale, les dires d’Aristote et d’Averroès que l’on peut opposer à sa thèse ; il ne peut cacher qu’il en est d’embarrassants : mais là où, visiblement, les deux Philosophes parlent de plusieurs moteurs immobiles, l’archevêque d’Aix croit[2] qu’il faut interpréter leur langage « non comme s’il traitait de plusieurs formes distinctes, mais comme s’il s’agissait d’une seule et même forme connue de plusieurs façons différentes. » D’ailleurs, pour sauvegarder son commentaire, il recourt[3] au principe qu’il a déjà évoqué : « Il faut attacher plus d’attention aux raisonnements et aux démonstrations des Philosophes qu’à leurs paroles mêmes, »

Si cette méthode, dune sécurité contestable, a conduit le Docteur franciscain à s’écarter, en une circonstance, de la véritable doctrine du Philosophe et de son Commentateur, on doit reconnaître qu en général, elle l’a amené à une très exacte intelligence de cette même doctrine. Il a certainement raison lorsqu’il écrit[4] : « Ce n’était point la pensée du Philosophe et du Commentateur que le premier Principe, qui est Dieu, mût le premier ciel d’une manière immédiate et exécutive… Le Philosophe déclare[5] que le premier moteur meut à titre d’objet aimé. En commentant ce passage, Averroès l’explique en disant que le premier moteur meut comme l’objet aimé meut son premier amant. Il ajoute que le premier ciel est mû parce moteur comme J’amant est, mû par l’objet qu’il aime. Il est bien clair ici que, selon la pensée de ces auteurs, il existe dans le ciel une certaine force d’amour qui est distincte du premier moteur. Ailleurs… Averroès dit expressément que le mouvement du ciel résulte de deux moteurs dont l’un, qui est de force motrice finie, est l’âme qui existe en ce ciel, tandis que l’autre, dont la force motrice est infinie, ne réside pas en une matière. Si nous admettons, ajoutet-il, que ce vers quoi se meuvent les corps éternels, savoir le premier Moteur, n’est susceptible d’aucun changement, il arrivera que ces corps se mouvront sans cesse ; il conclut en disant que le

1. Pierre Auriol, /oc. cit., p. 909, col. 2.

2. Pierre Auiuol, loc. cil*, p. g64 » coL U

3. Pierre Auriol, loc. cil*, p— g6f> coL i,

4. Pierre Auriol, loc. cil., p. 908, coL 2.

5. Pierre Auriol, loc. cil.t p. 960, coL 2 et p. 961 » coL i.

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