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DUNS SCOT ET LE SCOTISME

sus de l’âme, assigner une autre intelligence qui meuve cet orbe à titre de cause finale ; il faut seulement supposer l’existence de cette forme commune qui meut eu manière de fin le moteur du premier orbe ; tous les autres moteurs, en effet, tendent à la même fin, c’est-à-dire au but auquel tend celui de ces moteurs qui est le premier et le principal. Averroès voulait donc que les moteurs de tous les orbes fussent des formes purement spirituelles et séparées de la matière ; que ces moteurs fussent cependant unis aux orbes à la façon de formes qui distribueraient aux corps célestes les perfections qui leur conviennent ; de ces corps célestes, d’ailleurs, il voulait que les essences ne fussent ni purement matières ni purement formes ; ces moteurs célestes, il les a appelés les âmes célestes et il a dit qu’ils mouvaient d’une manière exécutive, bien qu’ils meuvent en vue d’une même cause finale ultime.

» Le moteur du premier ciel, donc, reçoit de la cause finale ultime, qu’Averroès nomme le premier Moteur et la cause première universelle, la connaissance de l’ordre et du régime de l’Univers entier ; de cette même cause première, le moteur de l’orbe de Saturne reçoit une connaissance plus particulière et d’un ordre inférieur, une connaissance contenue en celle qu’a reçue le moteur du premier orbe ; en continuant à descendre, on trouve des moteurs qui reçoivent une connaissance de plus en plus particulière…

» Il ne faut donc pas, à son gré, admettre plusieurs intelligences séparées dont chacune meuve, à titre de cause finale appropriée, un moteur conjoint à un orbe. Il suffit d’admettre un seul art subsistant, une seule forme universelle, qu’il appelle Dieu et Cause première. Cette cause est connue par le moteur du premier orbe, par celui qui imprime à tout le ciel une révolution d’orient en occident ; elle est connue par ce moteur, dis-je, en sa totalité et en son universalité ; aussi ce moteur poursuit-il un bien plus grand que celui auquel tendent les autres moteurs ; il poursuit le bien absolu de l’Univers entier. »

Nous avons dit comment la lecture du seul traité De substantia orbis pouvait conduire à penser qu’au gré d’Averroès, une seule et même substance séparée servait de cause finale à tous les mouvements célestes ; comment divers auteurs et, en particulier, Saint Thomas d’Aquin, avaient, parfois, admis cette conclusion erronée ; comment, en la Métaphysique, le Stagirite admettait clairement autant de moteurs immobiles et séparés qu’il y a d’orbes célestes ; comment, Averroès, au commentaire de cette