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LES EMBARRAS D’AURIOL

Certaines personnes ont cru que le Philosophe et le Commentateur accordaient, en effet, à Dieu une puissance active. Auriol pense que ces auteurs ont attribué à Aristote et à Averroès des opinions qu’ils n’ont jamais professées ; « cela apparaît clairement[1] si l’on suit la démonstration qu’ont donnée ccs deux phi losophes, démonstration à laquelle il vaut mieux s’attacher fermement que de raisonner sur les termes dont ils ont usé, car, sous ccs termes, l’équivoque peut se cacher, » C’est, nul n’en douterait aujourd’hui, une méthode imprudente que celle-là ; on ne s’étonnera donc pas si elle a pu conduire Auriol à interpréter d une manière erronée certaines thèses des Philosophes.

« Nous nous proposons, dit-il[2], de voir clairement et conformément à la vérité quelle fut l’intention des susdits Philosophes.

» Pour cela, nous devons considérer d’abord qu’au sujet du corps céleste, leur intention a été la suivante : C’est un corps absolument simple, sans aucune matière ; ce n’est pas toutefois une forme ; le rôle de la forme, en effet, est de servir de terme et, en outre, de déterminer des perfections secondaires qui sont les accidents propres et les opérations nécessaires ; car toute forme physique est le principe d’un certain mouvement naturel ; elle détermine les perfections qui lui sont propres et les dispositions qui conviennent à sa nature. Or l’essence corporelle qui se trouve au ciel n’est le principe d’aucun mouvement ; elle n’est pas le principe d’un mouvement rectiligne, car elle n’est, par nature, ni grave ni légère ; elle n’est pas non plus le principe du mouvement circulaire, car ce dernier mouvement est le propre de l’âme, en sorte qu’il ne peut convenir à aucune forme corporelle. Tout cela, le Commentateur l’a dit au traité De substantia orbis.

» De plus, cette essence corporelle qui se trouve au ciel ne peut pas jouer, à l’égard de la figure sphérique, le rôle de raison déterminante ; cette substance pourrait aussi bien être de figure cubique ou en forme de cloche que de figure sphérique, du moins quant à sa nature corporelle. Nulle chose, en effet, à moins que ce ne soit une chose animée, ne s assigne à elle-même une figure qui soit sa propriété et sans laquelle elle ne saurait exister. De la terre demeure de la terre sous quelque figure qu’on La pétrisse, tandis qu’un cheval ou un homme ne demeurerait pas un cheval

1. Pierre Aurjol, loc. cit., p. 954, col. 2.

2. Pierre Auriol, loc. pp. 956-957,

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