Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VI.djvu/425

Cette page n’a pas encore été corrigée
415
DUNS SCOT ET LE SCOTISME

c’est de façon diverse que les divers auteurs ont tenté d’assigner cette diversité…

» Nous parlons ici du volume (quanlitas), qui est le corps ou qui fait que la matière est un corps. Ce qui termine un tel volume, c’est une surface ; tout corps en acte, en effet, est terminé par une surface ; de cette manière donc, ce qu’on appelle dimensions non terminées, ce sont des dimensions qui manquent de surface terminale’; de cette manière, ces dimensions ne sont pas un corps eu acte, mais un corps en puissance ; ce& trois dimensions, lorsqu’elles sont terminées par une surface, deviennent la corporéité en acte… Si on enlève la surface terminale, il ne reste plus dans la matière que les dimensions qui sont puissance pure. Ainsi, lorsque la matière est terminée par une surface, elle devient corps en acte ; lorsqu’on supprime la surface, il ne reste que les dimensions, c’est-à-dire un corps en puissance…

» On voit par là comment on peut imaginer la matière avec ses dimensions non terminées. Il faut imaginer les trois dimensions, la longueur, la largeur et la profondeur, sans aucune surface terminale ni ligure, partant d’une manière confuse, eu quelque sorte, et en puissance, car il ne peut pas y avoir de corps en acte qui soit tel. Puis, lorsque l’on conçoit que la forme est dans la matière, alors on conçoit ce volume comme terminé par une surface ultime et par une figure. »

C’est ainsi qu’Auriol expose renseignement d’Averroès sur les dimensions indéterminées qu’implique la matière première. De cet exposé, Thomas d’Aquin aurait eu beau jeu à conclure que ces dimensions sont de simples concepts abstraits, prives de toute réalité.

Quel que soit son désir de mettre l’enseignement d’Aristote et d’Averroès en complète harmonie avec la foi catholique, Pierre Auriol est bien forcé de reconnaître que certains désaccords demeurent irréductibles ; ainsi en est-il au sujet des moteurs des cieux.

Au début de la longue discussion qu’il consacre à la puissance de Dieu, Auriol se propose[1] de rechercher « si les philosophes, » c’est-à-dire Aristote et Averroès, « ont attribué à Dieu une puissance active, car il est constant que les catholiques sont tenus de la lui attribuer. »

1. Petri Aureoli Coinmentarii in primum /ibrtim Sententiarum, Dial. XLH, Pars I, art. I, p. g53, col. 2.

  1. 1