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AURIOL REVIENT À AVERROÈS

autre qui est actuelle et qui amène à l’acte celle qui n’était qu’en puissance… Ainsi, en ces substances intellectuelles et, aussi, en notre âme, il y a vraiment deux natures, l’une purement potentielle et l’autre purement acte, dont ces substances sont intrinsèquement composées ; la première est appelée intelligence en puissance (intellectus possibilité), » et la seconde intelligence en acte.

Ce qn’Auriol accorde à la théorie, traditionnelle chez les Franciscains, qui attribue matière et forme aux substances intellectuelles, ce n’est guère plus qu’une concession verbale.

Je dis : concession purement verbale. En effet, tout en attribuant une matière aux intelligences, Auriol accorde qu elles n’ont pas de dimensions, et il vient de rappeler que nous ne concevons pas la matière sans les trois dimensions. Il reste donc que cet élément potentiel que notre auteur met en toute intelligence n est pas du tout une véritable matière ; c’est par équivoque qu’elle en reçoit le nom.

Auriol a déclaré que nous ne concevons pas la matière privée des trois dimensions. À ce sujet, en effet, il accepte dans sa plénitude l’enseignement d’Averroès, dont il invoque l’autorité avec autant de confiance que d’érudition.

Il enseigne que les dimensions indéterminées sont inséparables de la matière première ; qu’elles y précèdent, selon l’ordre naturel, l’avènement de la forme substantielle ; selon l’ordre dénaturé, au contraire, c’est la forme substantielle qui précède les dimensions déterminées et qui les introduit à sa suite. Il ne s’agit, d’ailleurs, pas d’une précession dans le temps[1].

Mais les dimensions indéterminées qui précèdent, en la matière, l’avènement de la forme substantielle sont-elles les mêmes que les dimensions terminées qui suivent la venue de cette forme[2].

« En cette question, il est un point oii tout le monde est d’accord, une fois admis qu’il y a des dimensions non terminées et que ces dimensions précèdent, en la matière, la forme substantielle individuelle. Ce que tout le inonde accorde, c’est qu’il faut assigner quelque différence entre ces dimensions-là et les dimensions terminées, consécutives à la forme. Mais lorsqu’il s agit de démontrer quelle est cette différence, l’accord n’est plus parfait ;

1. Pétri Aureou Commentarir in secundum librnm Sententiarum, Dist. XII, quæst, !, art. II : Utrum materia sit eus positivum.

2. Phtri Aureoli Qd, taud., Dist, XII, quæst, I, art, 111 (ournéroté H) : Utrum dimensiones intermiDatæ præcedentes formam aliquam iu materia* sîut cædem cum dimensionibus teriniDatis quæ sequuntur formarn, P. iGn, col, b, pp. 16i, 162, p, i63, coL a

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