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L’ÂME HUMAINE SELON AURIOL

toute altération, que le moteur universel qui amène la matière à tout acte, c’est le corps céleste. C’est la pensée des Philosophes qui, en cela, n’est pas en désaccord avec la vérité enseignée par la foi. »

Qu’une telle théorie s’accorde avec renseignement de la Philosophie péripatéticienne, on n’en saurait douter ; à l’appui de son opinion, Auriol cite maint texte d’Averroès ; u’eût-il point invoqué l’autorité du Commentateur qu’il n’en eût pas moins laissé deviner la constante et puissante influence qu’Averroès a exercée sur sa pensée. Tout le système qui vient d’être développé par le Docteur franciscain peut être regardé comme le commentaire d’un passage écrit au quatrième chapitre du Traité De substantia orbis : « Celui qui donne la perpétuité au mouvement du ciel la donne aussi aux mouvements de tous les autres êtres. »

Cette même thèse est-elle conciliable avec l’enseignement catholique ? Auriol, qui vient de l’affirmer, est contraint cependant, pour sauver l’orthodoxie de sou système, d’y admettre une exception en faveur de l’âme rationnelle de l’homme ; il lui faut déclarer[1] que cette âme-là n’est pas extraite par les agents naturels des puissances de la matière ; si elle pouvait, en effet, être produite de la sorte, elle serait sujette à la génération et à la corruption. « Elle est donc unie à la matière en l’essence et en l’existence, à titre de forme plus élevée et d’une autre nature... En même temps qu’elle est une chose capable de persister en elle-même sans matière, qu’elle n’est pas simplement une perfection de la matière, elle est douée de la propriété de s’unir à la matière par un certain moyen formel et plus excellent. »

En son traité De principiis naturæ, Auriol développait plus longuement les pensées que nous venons d’entendre exposer[2] ; il se proposait formellement, en ce traité, de montrer que le Péripatétisme averroïste s’accorde aisément avec la doctrine chrétienne. « En toutes choses, écrivait-il, mon intention est de mettre en concordance la doctrine d’Aristote et les opinions des philosophes avec la vérité que la foi enseigne ; ces opinions, en effet, ne sont en dissonance et désaccord avec cette vérité que dans un petit nombre de circonstances, comme cela paraîtra dans la suite ». Ainsi, la thèse de la simplicité des corps célestes n’a rien qui doive inquiéter le chrétien. Sans doute, nombre de Pères de l’Église ont attribué une matière à ces corps ; « mais ils ne nous

1. Pierre Auriol, loc. cit., p. 979.

2. Noël Valois, Op. laud., pp. 508-509.

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