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L’ACTE PUR SELON AURIOL

est celle de l’air) et la gravité relative (telle est celle de l’eau)…

» Il est évident par là qu’aucune forme simple n’est susceptible de s’unir à la matière première si elle n’est ni grave ni légère.

» Partant, au ciel, il ne peut pas y avoir de matière première. Une forme simple, en effet, qui n’est ni grave ni légère, se trouve totalement en dehors de l’ordre que détermine cette sorte de contrariété dont les ternies extrêmes sont la gravité absolue et la légèreté absolue. Or, pour qu’une puissance soit la même puissance, il faut qu’elle tende à l’un ou à l’autre des termes extrêmes d une même opposition ou bien a l’un des termes moyens de cette opposition. Mais la puissance de la matière est génériquement une, car elle a pour fondement la substance même de cette matière ; nécessairement, donc, elie ne peut être satisfaite que par la forme absolument grave ou par la forme absolument légère ou, enfin, par quelqu’une des formes intermédiaires. »

Cet argument par lequel Auriol conclut à l’absence de matière dans le corps du ciel, parait absolument distinct de tous les arguments que ses prédécesseurs ont exposés ou discutés ; il témoigne de l’originalité philosophique de l’archevêque d’Aix.

« Il ne peut donc se trouver, poursuit celui-ci, que quatre élémentaires. Quant aux formes mixtes intermédiaires, elles sont aussi nombreuses que les diverses manières dont ces quatre formes se peuvent mélanger entre elles : et ces manières, nous ne pourrions les compter. Les âmes, enfin, qui viennent s ajouter aux formes complexes, sont de diverses espèces, et ces espèces sont aussi nombreuses que les formes mixtes dont les âmes sont les conséquences nécessaires. Il y a, en etfet, certaines formes mixtes, composées au moyen des formes élémentaires, qui sont, par elles-mêmes, des perfections ultimes, des actes achevés ; de ces lormes-là, des âmes ne résultent pas ; des âmes ne leur sont pas surajoutées comme conséquences nécessaires. Mais il est d autres formes intermédiaires qui, par elles-mêmes, ne sont pas terminées ; qui, plutôt, par là même qu’elles sont telle ou telle mixtion, sont naturellement aptes à recevoir telle ou telle perfection subséquente, à prendre part à telle ou telle opération, la sensation, par exemple, ou le mouvement, sans qu’elles puissent être, cependant, pour ces opérations, des principes chair ; dès lors, de telles formes mixtes et intermédiaires, compo-