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LA PUISSANCE PURE SELON AURIOL

acte et, en même temps, la privation de cette disposition même que la chose possède lorsqu’elle est en acte. C’est pourquoi le Commentateur écrit, au IXe livre de la Métaphysique : Dire qu’une chose est en puissance, cela signifie qu elle est en la disposition contraire à celle en laquelle elle se trouve lorsqu’elle est en acte ; cela signifie donc quelque chose qui manque d’une disposition qu’elle acquiert ultérieurement. » C’est une coordination à un certain acte futur, « ordo ad aliquem actum futurum. »

Il en résulte aussitôt cette conséquence : C’est qu’une chose ne serait pas en puissance s’il n’existait quelque agent qui eût le pouvoir de la mettre en acte ; dire que la matière est naturellement en puissance de telle forme, c’est dire qu’il existe en la nature un agent capable d’amener la matière à recevoir cette forme : « Il n’existe[1] aucune forme dont la matière soit capable (possihilis), et à laquelle ne corresponde point quelque agent naturel et créé qui ait le pouvoir de réduire en acte cette puissance. »

Ce principe, d’ailleurs, peut se réclamer d’Aristote. « Aussitôt après avoir exposé, en effet[2], que l’acte et la puissance sont les deux divisions de l’être, il subdivise la puissance en puissance active et puissance passive... L’être en puissance se distingue sauce active que l’on attribue à la forme. »

Suivons les conséquences de ces principes.

Si la matière est en puissance passive d’une certaine forme, il faut qu’en un certain agent réside la puissance active de mettre cette forme en acte. D’ailleurs, pour qu’un agent puisse conférer une certaine forme en la matière, il faut que cet agent possède lui-même cette forme d’une manière actuelle. On arrive ainsi à cette conclusion : Il faut qu’il existe une certaine substance où se rencontrent en acte toutes les formes dont la matière est en puissance. « La matière est apte par nature a recevoir toutes les formes[3] ; il faut donc que l’extrême opposé existe dans l’ordre des créatures ; il est nécessaire qu’il y ait une certaine forme en amener la matière à toute

» On dira peut-être que cette forme, c’est Dieu même, qui est de la pure puissance. » C’est assurément, en ellêt, ce qu’eut déclaré un disciple de Gilles de Rome.

« Cette réponse, reprend Auriol, est sans valeur. C’est, en

1. Pierre Auriol, toc. cil-, p. 978, col. 1.

2. PiKiuiE Auriol, loc. cit., p. 976, col. a.

3. Pierre Auriol, loc. cit., p. 978.

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