Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VI.djvu/416

Cette page n’a pas encore été corrigée
406
L’AVERROÏSME D’AURIOL

matière ; cette partie est ce qu’ils nomment raison séminale. Mais cette solutionne peut tenir…

» Le Philosophe entend que ce n’est pas la forme qui est faite, mais le composé ; et le motif qu’il invoque, c’est que la forme est à l’égard de la matière comme la figure sphérique à l’égard du cuivre. La figure sphérique n’est pas en soi quelque chose d autre que le cuivre qui soit créé dans le cuivre ; c’est simplement une manière d’être, une disposition du cuivre. Ce n’est donc pas la figure sphérique qui est faite, mais le composé [du cuivre et de la figure sphérique, la boule de cuivre]. De même, dans le casque nous avons en vue, ce qui est fait, ce n’est pas la forme, mais le composé informé, non forma, sed formatum. »

À la théorie des formes séminales, telle que Richard de Middleton la présentait, Gilles de Rome avait déjà opposé des considérations de ce genre quoique, semble-t-il, avec moins « le fermeté ; Henri de Gand, lui aussi, avait tenu un langage analogue ; et cependant, en distinguant en la matière, à côté de la puissance à être informée, une existence actuelle, il avait posé les fondements de la thèse de Richard.

Pierre Auriol n’accordera pas son suffrage à cette théorie d’Henri de Gand ; touchant la nature de la matière première, il s’en tiendra strictement encore à l’enseignement d’Averroès.

« La matière, écrit-il[1], c’est la pure puissance ou bien encore le support de la pure puissance, sujet qui est disposé à recevoir universellement tout acte qui ne subsiste pas par lui-même (subjectif puræ potentiæ disponibile ad omnem actum universalemn et non subsistentem). C’est ce qui apparaît au premier chapitre du Traité De substantia orbis où le Commentateur dit que la possibilité constitue la substance de la matière et que celle-ci n’a point une nature qui existe en acte. »

Notre auteur, cependant, ne se refusera pas à dire, avec Henri de Gand et beaucoup de ceux qui Tout suivi, que la matière première a une certaine actualité ; mais en formulant cette proposition, il l’entend tout autrement que ses prédécesseurs ; il lui donne un sens qui, tout d’abord, semble directement contraire aux affirmations d’Henri ; il veut simplement déclarer que la matière, tout en étant pure puissance, n’est pas un pur néant.

« Le mot acte, dit-il[2], se prend en deux sens différents, tout

1. Pétri Aureoli Commentarii in primurn librum Senteniiarum, Dist. XLII, pars I, art. III, p. 978, col. a.

2. Pétri Aureoli Commentarii in primum librum Senteniiarum, Dim. ALJ1I, art. I, p. 1007.

  1. 1
  2. 2