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LA MATIÈRE PREMIÈRE SELON AURIOL

Pierre Auriol ? Quelques textes de ce dernier auront lot fait de nous rassurer à cet égard.

Voici, d’abord, un passage[1] qui correspond à la première proposition du Chanoine.

« La matière première n’a pas d’essence ; elle ne désigne pas une nature déterminée, distincte et en acte ; elle exprime quelque chose de purement potentiel, quelque chose qui est susceptible d’être déterminé ; c est donc d’une manière indéterminée et indistincte que cette matière première est chose matérielle. C’est de cotte façon qu’elle est toute matière générable et corruptible ; elle n’est, d une manière déterminée, aucun des êtres de ce monde, ni terre ni pierre ni quoi que ce soit d analogue ; mais elle peut être déterminée de manière à devenir terre ou pierre ou toute chose de même sorte. En effet, s’il survient une détermination, par exemple la forme de la pierre, qui est une pure détermination, elle devient pierre. Ou plutôt, de cette manière, la matière et la forme deviennent toutes deux pierre, et aucune d’elles ne le devient sans l’autre ; en effet, de ce qui est purement susceptible d’être déterminé (ex puro determinabili) et de la détermination pure se fait une chose déterminée, une pierre par exemple. Si la matière et la forme avaient, en elles-mêmes, leurs propres déterminations, elles ne pourraient jamais faire une chose qui fût. pour la première fois, déterminée (unum primum terminatum) La matière est donc privée de toute détermination, et c’est la forme qui est sa détermination ; elle est privée de toute distinction et c’est la forme qui est sa distinction, »

« Lorsque la forme survient en la matière[2], il n’y a là aucune dualité ; la matière, en effet, ne diffère pas de lu forme à la façon dont une chose déterminée (res terminata) diffère d’une autre chose déterminée ; elle en diffère comme une chose encore inachevée et indistincte diffère de son achèvement et de sa distinction ; or une chose et son achèvement, cela ne se peut pas compter pour deux (non ponuntur in numerum).

» Je n’entends pas par là que la matière et la forme soient meme chose (idem) ; j’entends qu’elle soit une entité autre que la forme ; mais non pas qu elle en diffère comme une entité achevée (terminata) diffère d’une autre chose achevée ; elle en diffère comme une chose qui, par sa propre nature, est inachevée diffère de son achèvement. »

1. Pétri Aureoli Commenlarii in secunduni librum Sententiarum, Dist, XI1, quæst. art. I ; p. 151, col. b.

2. Pierre Auriol, loc. cit.9 p. i&4* coL a.

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