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L’INDIVIDUATION SELON AURIOL

verait ainsi repris au point de vue conceptuel. Ce problème, à son tour, se trouve écarté par Auriol[1] :

« Quand, tout d’abord, je conçois l’homme, et que je contracte ensuite ce que j’ai conçu pour en faire : cet homme-ci, de façon à concevoir cet homme-ci, je n’ajoute rien du tout, dans ma pensée, ait concept de l’homme ; ce sont deux concepts absolument sépares l’un de l’autre : l’un de ces concepts ne contient pas l’antre en lui-même ; l’un de ces concepts ne se tire pas de l’autre par voie d’addition. »

Cette claire et pénétrante analyse dont le bon sens quelque peu brutal déchire les images amoncelées par une Métaphysique trop subtile, n’est-ce pas celle dont Guillaume d’Ockam fera un continuel usage ? Ne devons-nous pas reconnaître en Pierre Auriol le véritable maître du logicien anglais, celui qui fera d’Ockam le plus redoutable adversaire du Scotisme ?

S’il est une doctrine en laquelle Auriol contredit à tout l’enseignement d’Henri de Gand, de Richard de Middlcton et de Duns Scot, c’est assurément celle qui concerne l’actualité de la matière première. Le Docteur Franciscain reprend, et il s’en vante, la thèse d’Aristote et d’Averroès.

Lorsqu’au premier livre des Sentences, Auriol fait quelque emprunt à cette thèse, il annonce, en général, qu’il en parlera plus longuement au second livre ; et, en effet, il a tenu sa promesse car, en ce livre, il examine en grand détail la nature de la matière et de la forme[2].

Avant d’aborder la lecture de cette minutieuse discussion, demandons à Jean le Chanoine de nous en résumer les thèses essentielles.

« Réduite en forme, dit Jean le Chanoine[3], l’opinion d’Auriol consiste en l’affirmation de trois propositions.

» La première proposition est celle-ci : Le mot matière n’exprime pas une certaine entité déterminée et distincte en acte ; il exprime purement et simplement une potentialité, une capacité toutes les choses matérielles.

1. Pétri Aureoli Commentera in seenndum librum Sentenliarum, Dist. IX, quæst. lit, art. lit ; p. 114, col. b.

2. Pétri Au repli Commenta r i i in secundum librum Sentenliarum, Dist. XII, quæst. I, art. I : Utrum esseutia materiæ priais ex se careat omuî actu simp !

ici ter. Art. II : Utrum materia sit eus positivuin. Art. VII (numéroté VI) ;

Utrum potentia materiæ différai realiter ab îpsa materia. Quæst. II, art. 1 : Utrum forma substanlialis sit aliqua determinata entitas in actu in materia.

3. Joannis Canonici ÿuæsliones super (ibros Physicorum ; lib. I, quæst. IX ; éd. cit., fol, 2it col. d.

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