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L’INDIVIDUATION SELON AURIOL

réponds sans donner d’arguments..le pose trois propositions dont voici la première :

» À parler an point de vue de la réalité, lorsqu’on demande ce que l’individu ajoute à la nature spécifique (ratio speciei), ce n’est pas une question (quæstio nulla est). Toute chose, en elfet, par cela même qu’elle existe, existe d’une manière singulière ; par cela même qu elle est une raison indifférente et commune à plusieurs individus], elle est conçue— Partant, demander par quoi une chose qui existe hors de l’esprit, est singulière, c’est ne rien demander du tout. Cela revient, en effet, à demander ceci : Une chose réelle (res) est-elle, tout d’abord, universelle hors de l’esprit, et lui advient-il ensuite quelque chose qui la rende particulière ? Mais cette question, ce n’est rien ; puisqu’une chose réelle, par cela même qu elle est une chose et qu’elle n’implique aucun concept, cette chose, dis-je, par là même est singulière. Ainsi donc lorsqu’on demande par quoi une chose réelle est singulière, je réponds que toute chose est singulière d’elle-mêmc et qu’elle ne l’est par rien d’autre que par elle-même. »

« Tout ce qui existe, dit encore Auriol[1], est, selon Boêce, numériquement un ; il paraît donc que toute entité, par cela seul qu’elle est hors de l’esprit, est, de soi singulière, et je ne dois point chercher d’autre cause. »

Une telle doctrine ne saurait s’accorder avec les considérations que Dans Scot a développées au sujet du principe d’individuation ; elle est plus voisine de la théorie d’Henri de Gand ; mais ne songeons pas à mettre Auriol au nombre des disciples du Docteur solennel.

À la suite d’Avicenne et de Saint Thomas d Aquin, Henri de Gand distinguait l’essence aussi bien du singulier que de l’universel ; l’essence est indifférente à l’existence singulière aussi bien qu’à l’existence universelle.

Ce sont donc Henri de Gand et ses partisans qui sont visés dans le passage suivant[2] :

« Certains docteurs modernes distinguent trois sortes d’unités. Il y a, d’abord, une unité singulière, à laquelle il répugne jusqu’à la contradiction d’être multipliée et d’être conçue d’une manière universelle ; il y a, eu second lieu, l’unité universelle… Cette unité n’est pas celle d’une certaine chose réelle… Cette unité

1. Pétri Aureoli Commentant in Secundum Librum Sentent iaram^ Dist. IX, quæst. II : De hîerarchiis et ordïûibus aiigelorum ; art. II, p. io8, col, b,

2. Pétri Aureoli Commentant i in Secundum librum Senlentifirum> Dist. IX, quæst, II, arL Il ; p, 107, coll, a et b.

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