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LA TERMINOLOGIE DE SCOT

Tout ce texte ne cesse de confirmer ces propositions : La matière individuelle, la forme individuelle, le composé individuel sont, seuls, des choses qui existent hors de l’esprit ; la matière commune, la forme commune, le composé commun qui résulte de leur union et qui constitue l’essence spécifique, ne sont que des notions formées par abstraction et, hors de l’intelligence, dépourvues de toute existence.

Donc, hors de l’esprit, le composé commun, l’essence spécifique n’existe pas séparément de l’hœccéité qui en fait un individu ; la distinction formelle entre l’essence spécifique et la différence individuelle est le résultat d’une opération tout intellectuelle ; nous allons entendre le Docteur Subtil l’affirmer à nouveau.

Duns Scot, pour exprimer sa pensée avec plus de précision, aime à forger des néologismes ; par là, son latin se hérisse de termes techniques ; le caractère abstrus que l’on a coutume d’attribuer à sa Philosophie provient, en grande partie, de cette forme de langage ; cette langue, d’ailleurs, a grandement contribué à faire dévier les disciples de Scot de la véritable pensée de leur maître ; ils ont cru voir des choses sous ces termes que le Docteur Subtil avait seulement imaginés pour désigner des concepts.

Afin de marquer comment le particulier est contenu dans le général, Scot dit qu’il y est contenu d’une manière unitive (unitive contentus). L’individu est contenu d’une manière unitive dans l’espèce, l’espèce est contenue d’une manière unitive dans le gen re.

Or « entre deux choses[1] qui sont contenues d’une manière unitive l’une dans l’autre, il n’y a ni séparation réelle ni séparation potentielle. De môme la nature que notre intelligence regarde comme caractéristique de l’espèce, et que l’on dit exister en la chose j individuelle], est commune à tous les individus de l’espèce ; elle y est de la même manière que tout principe commun est en puissance dans la chose individuelle ; jamais elle n’est séparée de cette autre perfection qui est contenue en elle d’une manière unitive, de ce degré eu lequel est conférée la différence individuelle. Jamais l’espèce n’est produite, en la réalité, si ce n’est sous ce degré déterminé ; elle n’en est jamais séparable, car ce degré, avec lequel elle est toujours posée en la réalité, est contenu en elle d’une manière unitive…

1. Joannis Duns Scoti Quæstiones in Metaphysicam Aristotelis, lib. VII, quæst. XIII.

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