Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VI.djvu/384

Cette page n’a pas encore été corrigée
374
LA TERMINOLOGIE DE SCOT

on y peut distinguer plusieurs réalités (realitates) formellement différentes, de telle sorte que, formellement, l’une de ces réalités ne soit pas l’autre ; l’une d’elles, formellement, est entité singulière. et l’autre est, formellement, entité de nature. Ces deux réalités (realitates) ne peuvent pas être l’une une chose et l’autre une autre chose (res et res)... Elles sont toujours les réalités d’une seule chose, formellement distinctes en un même tout, [le composé,] ou en une même partie, [la matière ou la forme.] »

Arrêtons-nous un instant à l’analyse de ce texte et fixons le sens exact de ces deux termes ici employés par Scot : une chose (res) et une réalité (realitas).

La chose (res) est individuelle et concrète ; ce peut être un tout, le composé substantiel, tel qu’il est en tel objet particulier ; ce peut être une partie de ce tout, la matière ou la forme de cet objet.

Chacune de ces choses (res) est composée de deux entités que Scot nomme réalités (realitates) ; pour la chose qu’est le composé individuel, par exemple, ces deux réalités sont, d’une part, le composé spécifique, le composé en tant que nature, d’autre part, l’hœccéité du composé ; entre ces deux réalités, la séparation n’est que formelle, c’est-à-dire que le composé spécifique ne pourrait pas se trouver, séparé de l’hœccéité, dans une chose, et l’hœccéité du composé, séparée du composé spécifique, dans une autre chose ; le composé spécifique et son hœccéité sont forcément unis ensemble au sein d’un même composé individuel ; de même la matière spécifique et son hœccéité sont forcément unies en une même chose partielle, la matière individuelle. Ces réalités, ces entités qui ne peuvent exister séparément en des choses différentes, mais seulement être distinguées d’une manière formelle, de manière à constituer en l’esprit deux notions différentes, Scot les nomme encore formalités (formalitates). Il donne[1] comme synonyme du mot formalité cette autre expression : un concept réel, formalitas vel conceptus realis, et l’oppose au mot chose, res ; la forme est une chose, la formalité un concept.

« Ainsi, dans le composé, il y a six entités[2] unies entre elles et formant une seule chose ; » ce sont la forme spécifique universelle et son hœccéité, dont l’union donne la forme individuelle ; la matière spécifique universelle et son hœccéité, dont l’ensemble constitue la matière individuelle ; enfin le composé spécifique

1. Joannis Duns Scoti Scriptam Oxoniense, Lib. II, Dist. III, quæst. VI.

2. Joannis Duns Scoti Reportuta Parisiensta, Lib. II, Dist. XII, quæst. VIII.

  1. 1
  2. 2