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LE PRINCIPE D’INDIVIDUATION

se subdiviser en plusieurs autres genres ; l’espèce a l’unité spécifique car on n’y saurait distinguer d’autres espèces.

Mais le genre, qui est indivisible lorsqu’on le compare au genre, peut être dissocié en espèces multiples ; l’espèce, qui est atome à l’égard de l’espèce, peut se subdiviser en individus ; c’est par de telles considérations que l’on peut hiérarchiser entre elles les diverses unités dont nous venons de parler ; le genre très général a une unité moindre que le sous-genre, et celui-ci une unité moindre que l’espèce.

Toutes ces unités, unité générique, unité spécifique, sont, d’ailleurs, inférieures à l’unité de l’individu ; l’individu n’admet plus aucune subdivision ; l’unité numérique, la singularité, représente doue le plus haut degré d’unité qui soit concevable ; l’unité spécifique, l’unité de la nature commune à tous les individus d’une même espèce, est ainsi une unité moindre que l’unité numérique et individuelle[1].

À ces remarques, qui sont de pure Logique, Jean de Duns Scot joint un axiome de Métaphysique[2] ; et en cet axiome, il est impossible de ne pas reconnaître l’un des principes de la méthode suivie par Avicébron :

« De même que l’unité, considérée d’une manière entièrement générale est, de soi, la conséquence de l’entité, considérée, elle aussi, d’une manière entièrement générale, de même chaque unité est, par elle-même, la conséquence d’une certaine entité ». Ainsi la nature spécifique, la quidditas, aura pour conséquence l’unité spécifique ; la nature générique fera l’unité du genre.

De cet axiome, voici la conclusion tirée par Scot :

« L’unité absolue (simpliciter), c’est celle de l’individu…, c’est-à-dire celle qui n’admet pas la division en plusieurs parties subjectives, celle à laquelle il répugne de ne pas être telle chose déterminée (hoc signature) ; si donc une semblable unité se rencontre parmi les êtres, ce que supposent toutes les opinions, il faut qu’elle soit, par elle-même, la conséquence de quelque entité. Or elle n’est pas, par elle-même, la conséquence de l’entité de la nature spécifique, ] car à celle-ci appartient en propre une certaine unité, réelle par elle-même. L’unité individuelle doit donc être la conséquence d’une entité autre que celle qui détermine cette dernière unité », savoir l’unité spécifique. D’ailleurs, cette entité d’où résulte l’unité numérique « fera, avec l’entité de

1. Joannis Duns Scoti ScrtpZum Oaconiensê, Lib. II, Dist. III, quæst. I.

2. Joannis Duns Scoti Scriptum Oxomense, Lib. II, Dist. III, quæst. VI.

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