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DUNS SCOT ET AVICÉBRON

à un premier examen, telle que la comprendront ceux qui se prétendront Scotistes, et remarquons son extrême ressemblance avec la doctrine du Fons vitæ, dont elle a soin, d’ailleurs, de s’autoriser.

C’est vraiment le langage du Fons vitæ que nous croyons entendre à la lecture de ce passage[1] : « Toute chose existante tend vers l’unité selon sou pouvoir et de la manière qui convient versel en toutes choses, dans le Créateur comme dans les créatures, qu’il n’existe aucun genre de multiplicité, de division, de distinction, et qu’on n’en saurait imaginer aucun qui ne se ramenât à quelque unité… Ainsi disons-nous des accidents divers qu’ils trouvent leur unité dans le sujet [qu’ils affectent] ; des individus numériquement différents qu’ils sont ramenés à l’unité dans l’espèce ; des choses d’espèces differentes, qu’elles sont réunies dans le genre inférieur ; des choses qui ne sont pas de même genre inférieur quelles trouvent l’unité dans le genre le plus général ; des choses qui diffèrent les unes des autres même par le genre le plus général qu’elles sont une seule chose au point de vue de l’être ».

Or comment se fait cette réduction de choses diverses à l’unité ? Par l’affirmation qu’elles ont une commune matière. « Lorsque des choses sont spécifiquement déterminées ou numériquement déterminées, et qu’elles surgissent de quelque chose d’indéterminé, nous disons[2] qu elles ont en commun une même matière. C’est ce que nous disons des éléments à l’égard de la matière qui fut créée en premier lieu, des membres divers qui proviennent d’une même semence, des branches diverses issues d’un même germe. »

Voilà bien l’énoncé de la méthode même suivie par Avicébron lorsqu’il a distingué les diverses matières de plus en plus générales ; et cette méthode, en effet, Duns Scot va la suivre fidèlement.

Le désir d’unité de toutes les choses créées ne peut trouver sa raison d’être qu’en une matière commune à toutes ces choses : « Dans le monde entier, toute la multitude des choses procède d’une matière homogène commune[3]. »

1. Joannis Duns Scoti Quæstiones disputatæ de primo rerum principio, Quæst. IX, n. I (Il oe faut pas confondre cet ouvrage avec le Tractatus de primo rerum principio du même auteur).

2. Joannis Duns Scoti Op. laud., quæst. VIII, art. IV.

3. Joannis Duns Scoti Qp. /utid., quæst. VIII, art. IV.

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