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CHAPITRE V
DUNS SCOT ET LE SCOTISME

I
Jean de Duns Scot


Comme l’a montré Le R. P. Parthenius Minges[1], il importe grandement de distinguer entre la doctrine véritable de Duns Scot et celle que nombre de ses disciples ou de ses commentateurs lui ont prêtée.

La Métaphysique du Docteur Subtil semble, au premier aspect, se confondre avec celle d’Avicébron ; mais un conceptualisme très fermement déclaré conduit celui-là à regarder comme de pures abstractions ce que celui-ci prenait pour des réalités ; Duns Scot aboutit de la sorte à une doctrine qui, en nombre de points essentiels, rappelle celle d’Henri de Gand et de Richard de Middleton.

Parmi ses disciples, il en est beaucoup qui n’ont pas aperçu cette signification, quelque peu cachée, des doctrines de leur maître ; ce que celui-ci avait donné comme existant seulement en l’intelligence, ils l’ont doué de l’existence réelle ; ils ont ainsi composé un réalisme très voisin de celui qu’Avicébron et, parfois, Roger Bacon avaient professé ; c’est à ce réalisme, transposition de la véritable pensée de Scot, que l’on a donné le nom de Scotisme.

Prenons, tout d’abord, la doctrine de Scot telle qu’elle apparaît

  1. P. Parthenius Minges, O. Fr. Der angebliche excessive Realismus des Duns Scotus ; Münster, 1908 (Beiträge zur Geschichte der Philosophie des Mittelalters, Bd. VII, Heft I).