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D’HENRI DE GAND À DUNS SCOT

déterminé par quelqu’autre chose ; en second lieu, il signifie l’acte qui détermine une autre chose ; en troisième lieu, il indique un acte déterminé. Au premier sens, l’acte, c’est la matière ; au second, c’est la forme ; au troisième, c’est le composé…

» On peut, en la puissance, établir des distinctions semblables.

» [Cela posé, je dis] que la matière n’est pas acte, [mais puissance, ] si l’on entend par puissance celle qui est [préparée] pour la forme, et par acte soit l’acte qui détermine, soit l’acte qui est déterminé ; il est, en effet,… de la nature de la matière de pouvoir être transmuée en toute forme et d être en puissance de toute forme.

» Mais si l’on entend par acte l’acte indéterminé et non manifeste de quelque chose qui est, cependant déterminé, et par puissance la puissance objective et conçue en la raison (potentia rationis et objectiva), on peut dire qu’avant qu’elle ne soit, une chose est en puissance ; je dis, en ce cas, qu’à l’égard d’une telle puissance, la matière est acte ; non pas que ce soit l’acte absolument parfait d’une telle puissance parement conçue (potentiæ secundum rationem) ; mais [je dis qu’elle est acte] parce quelle désigne une entité véritable et qui peut être posée hors de notre âme (positiva extra animal), parce qu’elle est une chose qui peut servir de terme à la création. La matière est donc acte parce qu’elle est un être qui peut être posé hors de l’esprit (positivum extra mentem), parce qu elle est. le terme de la création, parce qu’elle est une partie réelle d’une chose réellement composée et le fondement de toute la nature. On dit, toutefois, que c’est un acte imparfait et non manifeste, car elle n’effectue par elle-même aucune opération, car elle ne peut rien mouvoir d’elle-même vers un terme manifeste ; mais elle est préparée à devenir acte déterminé. »

Les pensées que Guillaume Varron exprime en ces pages sont toutes voisines de celles de Richard de Middleton ; elles sont dictées par les deux mêmes préoccupations qui sont les suivantes :

En premier lieu, refuser toute réalité à ce que les Péripatéticiens nommaient matière ; réduire cette pure possibilité à n’êtrc qu’une notion, inexistante hors de l’esprit qui la conçoit.

En second lieu, au-dessous de la substance, mettre une matière qui ait mains d’actualité qu’elle mais qui, cependant, puisse, elle aussi, être posée dans la réalité, de telle façon que l’on puisse, sans contradiction, affirmer que Dieu a créé, tout d’abord, une matière première dépouillée de toute forme.