« La matière, dit-il[1], est un certain acte, car c’est une essence absolue qui existe hors de l’intelligence.
» Toutefois, en l’acte comme en la puissance, il faut établir une distinction.
» Le mot acte peut être pris de deux manières. En la première manière, le mot acte désigne un acte parfait et manifeste ; en la seconde, un acte imparfait et non manifeste. Au premier sens, il est nommé forme, car la perfection du composé provient principalement de la forme ; c’est un acte manifeste car, par la forme, une certaine opération est produite. Au second sens, on peut nommer acte tout être positif capable de servir de terme à l’activité d’un agent quelconque ; l’acte ainsi conçu n’a pas besoin d’être parfait ni manifeste ; mais il faut qu’il soit le principe de quelque opération directe.
» De même, il y a deux sortes de puissances ; l’une d’elles est parfaite, manifeste et réelle ; l’autre est imparfaite, elle n’est ni manifeste ni réelle ; la puissance réelle est plutôt celle qui se rapporte à l’acte manifeste et parfait ; on la nomme puissance subjective ; la seconde puissance est dite objective ; lorsque Dieu créa la matière, cette matière fut, d’abord (prius), en puissance objective. »
Ces distinctions établies en la puissance nécessitent quelques explications ; divers autres passages de l’œuvre de Guillaume Varron nous les suggèrent : la suite les justifiera.
Le degré inférieur de puissance, c’est la possibilité pure ; en lui donnant le nom de puissance objective, Varron. conformément à l’usage constant de la Scolastique et contrairement à celui qui a prévalu de nos jours, entend qu’une telle puissance n’existe pas hors de l’esprit ; c’est pourquoi il déclare qu’elle n’est pas réelle. La dernière phrase se doit entendre ainsi : Avant que Dieu ne créât la matière, elle était à cet état objectif de possibilité pure, en la pensée divine. Le degré supérieur de la puissance, la puissance subjective, c’est cette possibilité, déjà unie à un acte imparfait, qui est préparée à recevoir la forme, qui est le sujet de la forme et qui a, par elle-même, une réalité hors de l’esprit.
« On peut encore établir en l’acte, poursuit Varron, des distinctions qui s’expriment en d’autres termes.
» Le mot acte, en effet, peut être pris en trois sens différents. En premier lieu, il désigne un acte indéterminé susceptible d’être
- ↑ Guillelmi Varonis Op. laud., Lib. II, quæst. I. (Dist. XII, quæst. IV) : Utrum materia, secundum se considerata, dicat aliquam naturam positivam secundum aliquem actum. Ms. cit., fol. 146, col. d.