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D’HENRI DE GAND À DUNS SCOT

gnement de cette Philosophie touchant la matière des intelligences ? Il est permis de le croire.

Le Fons vitæ faisait dériver d’une même matière corporelle, la matière des cieux et la matière des corps périssables. Richard de Middleton ne voulait pas que ces deux matières fussent de même lignée ; il accordait seulement que le logicien les mit dans un même genre. Gilles de Rome soutenait, au contraire, que ramenées à la pure puissance, qui est leur commune essence, ces deux matières étaient identiques. Varron semble soucieux de concilier l’opinion de Richard et celle de Gilles, mais c’est de celle-ci que son avis est le plus voisin. « S’il s’agit, dit-il[1], de l’identité de la matière en général, on peut dire, que la matière du ciel a précédé la forme, du moins suivant l’ordre de la nature, et qu’elle a été en puissance de cette forme, tout comme la matière des corps corruptibles est en puissance des formes diverses dont elle reçoit sa perfection, — à sa façon et d’une manière analogue.

» Mais s’il s’agit de l’identité spéciale, je réponds qu’elles ne sont pas de même nature [ratio), car, au VIIIe livre de Métaphysique, le Commentateur dit à ce sujet que c’est la transmutation qui fait connaître la matière ; et Saint Augustin dit de même, au XXXIe des Confessions[2] : « C’est comme conséquence de Iransmutâtions de même nature que des matières doivent être dites de » même nature. »

L’identité que Guillaume n’accorde pas aux deux matières céleste et sublunaire, Richard et Gilles s’entendaient également pour la leur refuser ; celle qu’il leur accorde, Gilles la leur accordait comme lui, mais Richard n’y voyait qu’une simple analogie logique.

C. L’actualité de la matière première.

Parmi les doctrines de Richard, l’une de celles qui ont le plus retenu l’attention de Guillaume est celle qui attribue une actualité à la matière. Cette doctrine, il l’admet, mais il la complique de distinctions subtiles qui ne contribuent guère à l’éclaircir.

1. Gutllelmi Varonis Op* taacL, Lib. II, quæst. 53 (Dist. XII, quæst. VII) : Utrum materiæ sub quantitate cæli et istorum inferiorum sunt ejusdem rationis ; ms. cit., fol. i5o, col. d.

2. Nous donnons cette indication telle qu’elle est au manuscrit que nous avons consulté ; mais nous n’avons pas trouvé ce texte dans les Con/erofontf.

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