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D’HENRI DE GAND À DUNS SCOT

comme le dit Algazel[1] en son chapitre XI, De l’infini. L’argument est donc sans valeur, puisque ce qu’il regarde comme une contradiction n’est pas contradictoire. »

» Une autre question[2] sollicite maintenant l’attention de Guillaume Varron. Puisqu’on ne peut trouver aucune contradiction en cette proposition : Le Monde a existé de toute éternité, faut-il en conclure que Dieu avait le pouvoir de faire que le Monde n’eût pas de commencement ? Voici la réponse que formule[3] le Docteur Franciscain :

« À cette question : Le Monde a-t-il pu être créé de toute éternité ? question en laquelle on entend parler de la puissance active, [c’est-à-dire du pouvoir créateur de Dieu], nous répondrons ainsi :

« On peut distinguer deux manières de considérer la puissance de Dieu ; on peut la considérer d’une manière absolue, ou bien la considérer comme coordonnée à la sagesse et à la justice divines ; cette puissance, considérée comme coordonnée à la sagesse de Dieu, on la nomme la puissance qui dispose le Monde (potentia dispositiva).

» Pour ce qui est de la puissance abstraite de Dieu, je dis que si l’on prend la question de ce biais, le Monde a pu être fait de toute éternité, eu considérant la chose, je le répète, du côté de la puissance abstraite. Mais si nous parlons de la puissance par laquelle Dieu dispose le Monde, puisqu’il n’a pas disposé que le Monde fût de toute éternité, je dis alors que Dieu, par cette puissance-là, ne peut pas avoir produit le Monde de toute éternité. » B. La matière angélique et la matière céleste. Guillaume Varron a-t-il, comme Richard de Middleton, admis que les créatures spirituelles avaient une matière ? Nous n’avons

1. Al-Gazâli tient, en effet, ce langage : « L’être se divise en fini et infini. L’infini peut être dit en quatre manières dont deux n’existent pas, taudis que Ton prouve l’existence des deux autres.

 » On dit, en effet, que le mouvement du ciel n+a ni commencement ni fin, et cela a déjà été prouvé. On dit aussi que la multitude des âmes séparées des corps est infime… ,

 » Nous accordons, en effet, que les âmes humaines, séparables des corps par la mort, sont en nombre infini, bien qu’elles existent toutes ensemble, » Algazblts P/iüo « op/iia, Lib. I, tract. I, cap. XI : Sexta divisio de ente in finitum et infinitum. Ed. Vendus, ibofi ; fol. sigu. d 2, col. d, et fol. sign. d 3, 2. 3.

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