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GUILLAUME VARRON

nant reviendront dans le même ordre et qu’elles seront numériquement les mêmes ; en sorte qu’au moment où les planètes, au terme de cette grande année qui contient trente-six mille ans, reprendront la disposition qu elles ont en ce moment, nous nous retrouverons tous, siégeant en ces mêmes écoles. »

À cette théorie, Guillaume répond en citant la condamnation que Saint Augustin en a formulée au traité De la cité de Dieu.

Au sujet des arguments d’Aristote en faveur de l’éternité du Monde, Varron cite[1] l’opinion d’un de ses auteurs favoris, de « Raby », c’est-à-dire de Moïse Maimonide. « Raby expose et résout les raisons par lesquelles le Philosophe prouve l’éternité du Monde… Nous ne devons pas croire, déclare-t-il, qu’Aristote ait pris ces raisons pour des démonstrations ».

C’est, d’ailleurs, l’influence de Maïmonide qui semble conduire Guillaume Varron en l’examen des doctrines relatives à l’éternité du Mondé ; les arguments du Philosophe en faveur de cette éternité ne sont pas démonstratifs, mais les arguments en sens contraire ne le sont pas davantage ; Guillaume montre avec soin comment ou peut les délier ; les solutions qu’il donue ne sont pas toutes, d’ailleurs, empruntées à Maïmonide ; en voici une qu’il doit à Saint Thomas d’Aquin :

« C’est un principe[2], pour Aristote, que des grandeurs infinies ne sauraient exister ni parmi les grandeurs continues, ni parmi les nombres d objets distincts. Or, étant donné que le Monde est éternel], il en résulterait, semble-t-il, qu’il existe des quantités infinies ; il aurait existé, en effet, une multitude infinie d’hommes ; les Ames de ces hommes, que l’on ne peut concevoir comme détruites, formeraient aujourd’hui une multitude infinie en acte. »

« À cet argument[3], tiré de la multitude infinie des âmes, on peut répondre qu’il ne contredit point au Philosophe, car celui-ci, comme l’expose le Commentateur au troisième livre De l’âme, admettait que l’intelligence est numériquement une pour tous les hommes.

» On peut encore, d’une autre manière, répondre qu’au sentiment du Philosophe, l’âme est détruite en même temps que le corps…

» Mais, selon la vérité, on peut dire que l’infinité actuelle peut être admise aussi bien pour les grandeurs continues que pour les multitudes discontinues ; cola ne répugne point à la créature,

1. Guillaume Varrqn3 lac. cit, ; ms » cit+J fol, 96, col. c.

2. Guillaume Varron, Zoc, cit* ; ms. fol. 96, col. c.

3. Guillaume Varron, /ûc* cit, ; ms. cit.j foL 96, col, a.

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