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HERVÉ NÉDÉLEC

diffère de toutes les autres choses matérielles en ce qu’elle peut être, par elle-même, le sujet de l’être (esse), tandis que les autres ne sauraient être, par elles-mêmes, des sujets de l’être ; c’est par là que la substance est un être existant par soi, et les autres non.

» Mais cette objection ne vaut rien.

» Être le sujet d’un certain acte par lequel il est donné a ce sujet d’être purement et simplement, sans lequel ce sujet ne saurait exister purement et simplement dans la nature des choses tant que cet acte ne lui a pas formellement donné l’être, c est la condition d’une chose qui est en puissance de l’existence pure et simple. Or, une telle chose, c’est la matière ; il est certain, en effet, que la matière peut être, par elle-même, le sujet de la forme substantielle et qu elle peut, par le moyen de cette forme, exister en acte. Il résulterait donc de là qu’une substance complète n’est pas autre chose que la matière première.

» Semblablement, supposons que la substance d’un ange ne pouvait exister sans un certain acte réellement différent de cette substance, à l’égard duquel cette substance serait une puissance réceptrice, tel que cette subtance ne pourrait exister si cet acte, formellement, ne lui donnait l’être ; alors, la substance d’un ange serait puissance à exister purement et simplement, c’est-à-dire matière première, ce qui est absurde. 11 en résulte aussi que cet acte dont on admet qu’il constitue l’être (esse) serait une forme substantielle, car parfaire la matière, c’est le propre de la forme substantielle. Par conséquent, les substances séparées elles-mêmes seraient composées de matière et de forme. »

Saint Thomas d’Aquin n’avait cessé de défendre cette thèse : Un ange n’est pas composé de matière et de forme, mais il est composé d’essence et d’existence. Hervé Nédélec, qui se tient fermement sur le terrain du Péripatétisme, déclare que cette position est intenable ; et il est bien vrai que pour un Péripatéticien, Mais poursuivons la lecture de notre auteur.

« On dira peut-être encore : La matière première est puissance purement et simplement si l’on entend parler de l’être d’essence[1], et non de l’être d’existence[2].

» C’est ne rien dire. La puissance d’être purement et simplement que nous considérons en disant : La matière est puissance

1. Esse essentiæ, que nous traduisons habituellement par : existence essentielle.

2. fisse que nous avons accoutumé de traduire par existence réelle ou proprement aile.

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