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D’HENRI DE GAND À DUNS SCOT

» La matière, considérée en elle-même et toute nue, est pure puissance à l’existence actuelle ; elle ne saurait être, par elle-même, terme de production pour un agent quelconque ; aucun agent ne peut, faire qu’elle possède l’existence actuelle, si ce n’est en ajoutant à l’essence de la matière quelque acte l’or me lie ment distinct de cette essence ; par là seulement, ce qui est formellement composé de la matière et de cet acte possède l’existence actuelle dans la nature des choses.

» La forme substantielle matérielle est un acte ; mais cet acte n’est point apte et ne suffit pas à subsister isolément (per se), à servir de terme à un agent quelconque ; la forme substantielle a besoin d une matière qui la reçoive.

» Quant à l’accident, il a besoin d’un être en acte au sein duquel il existe, du moins à parler selon la nature.

» La substance composée, enfin, qui est substance d’une manière parfaite, requiert, sans doute, les parties qui se trouvent comprises dans son essence, et qui sont la matière et la forme ; mais pour exister en acte, elle n’a besoin de rien qui lui soit extérieur, si ce n’est d’un agent [capable de la produire]. On le voit par ceci que la substance composée est, parmi les choses matérielles, la seule dont on dise qu’elle existe purement et simplement, par elle-même, et non pas par quelque chose qui serait hors d’elle, comme il advient pour la matière, pour la forme et pour l’accident ; pour son existence, donc, elle n’a besoin de rien hors d elle-même, si ce n’est d’un agent.

» Cela posé, raisonnons ainsi : Parmi les choses matérielles, la substance composée diffère de la forme, de la matière et de l’accident en ceci que, pour être, elle n’a besoin de rien qui soit étranger à son essence, si ce n’est d’un agent, tandis que, nous 1 avons dit, la matière, la forme, l’accident éprouveraient un tel besoin ; c’est pour cela qu’en comparant la substance composée aux autres choses matérielles, on dit qu elle est, d’elle-mêmc, un être complet. Mais ce qui se trouve compris dans l’essence de la substance composée, savoir la matière et la forme, ce sont des essences, et des parties de l’essence de la substance composée. Partant, pour exister en acte, au sein de la nature réelle, la substance composée n’a besoin de rien qui soit distinct de sa propre essence on des parties de cette essence. Mais il est certain que, sans l’être (esse), une substance composée ne saurait être. L’être, donc, n’exprime rien qui soit différent de l’essence de la substance composée et des parties de cette essence.

» Peut-être va-t-on répondre à cela : La substance complète