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HERVÉ NÉDÉLEC

qu’Henri de Gand prétendait établir entre ces deux idées ; mais c’en est fait également du système par lequel Saint Thomas d’Aquin les séparait l’une de l’autre ; les enseignements de ces deux docteurs vont être également sapés par la critique de Nédélec.

« Ce qu’il faut penser, dit-il[1], de l’identité entre l’essence et l’être, on le voit en partie déjà par ce qui précède. Comme nous l’avons déjà dit, l’essence désigne ce par quoi telle chose est un être (ens) ; être (esse) signifie posséder l’essence ; enfin un être (ens), cela désigne ce qui possède cette essence.

» L’être (esse) donc, quant à ce qu’il signifie directement, n’exprime pas une certaine chose créée[2] qui existerait en sus de l’essence ou du composé de plusieurs essences. Toutefois, comme nous le montrerons plus bas, il est vrai de dire qu’être n’est pas l’essence, de même que courir n’est pas la course, et cela à cause de ce qui se trouve inexpliqué dans le mot : être, ex modo significandi.

» L’être, donc, ne désigne pas quelque acte absolu qui serait surajouté à l’essence, qui serait distinct de l’essence ou du composé de plusieurs essences, de telle façon que l’être serait un certain acte simple, distinct de toute essence, et formant une combinaison réelle avec l’essence de la créature. Cela, je le montre par deux raisons.

» De ces deux raisons, la première a déjà été donnée, et c’est celle-ci : Ce que luire est à la lumière, être l’est à l’essence ; mais luire n’exprime pas un certain acte absolu qui serait ajouté à la lumière ; ce mot exprime seulement la lumière prise avec une certaine manière d’être (habitudo) à l’égard de l’objet qui la possède ; il exprime ex modo significandi que la lumière appartient à cet objet. L>e même, être ne surajoute pas un certain acte à l’essence ; il exprime simplement l’essence et, de la façon que nous avons plusieurs fois exposée, une certaine manière d’être à l’égard d’une chose qui possède cette essence.

» Voici maintenant la seconde raison.

» Les substances pourvues de matière nous sont mieux connues que les autres. Dans une telle substance, je prends les choses que voici, et je les considère dans l’ordre suivant : La matière première, la forme substantielle, l’accident, enfin la substance composée.

» Ces choses, voici comment elles se comportent.

1. Herv.eus contra Henricum de esse et essentia. Second chapitre de la réponse. Ms. cit-, fol. 231, coll. c et d.

2. Le texte dîl : increatam.

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