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HERVÉ NÉDÉLEC

et de Paris, une si profonde influence. Nous allons voir, peut-on dire, Hervé Nédélec inaugurer la nouvelle méthode nominaliste.

Hervé va s’attarder à distinguer nettement le sens de ces trois mots : essentia, ens, esse. Les doux premiers se traduisent naturellement en français par l’essence et un être, quant au troisième, pour ne le pas confondre avec ens, nous avions accoutumé de le traduire par l’existence ; pour suivre exactement la discussion de Nédélec, il sera bon de lui faire correspondre ce terme français : l’être.

« Le terme essence, pris d’une manière générale, dit notre auteur[1], exprime ce par quoi, formellement, un être est un être (ens est ens). Que cette essence et cet être soient créés ou incréée, qu’ils soient en acte ou en puissance, on en fait abstraction.

» Un être (ens), cela désigne ce qui possède l’essence ou l’être (esse). Que l’essence ou l’être dont il s’agit soit créé ou incréé, qu’il soit en acte ou eu puissance, on fait abstraction de toutes ces circonstances ; non point qu’on regarde le terme : un être comme étant, à toutes ces circonstances, commun au point d’être univoque (commune per univocum) ; mais on le regarde comme leur étant commun par analogie.

» Quant à l’être (esse) d’une créature, il désigne ce par quoi formellement cette créature est un être (ens) créé. Comme nous l’avons dit précédemment, qu’il s’agisse de l’être en acte ou de l’être en puissance, ou en fait abstraction ; encore que l’être (esse) signifie ce par quoi un être (ens) est en acte plus immédiatement (per prius) que ce par quoi un être est en puissance ; c’est, en effet, le propre de la puissance d’être connue et désignée par analogie avec l’acte.

» Partant, l’essence d’une créature ou l’être (esse)[2] d’une créature est un terme qui ne signifie nullement une certaine chose, bien qu’il entraîne nécessairement un rapport, le rapport de la créature à sa cause. À moins qu’on ne veuille prendre le terme : l’essence créée ou : l’être (esse)[3] créé pour désigner la relation d’une créature [au Créateur] ; si l’on peut dire, toutefois, qu’une relation est une certaine essence créée ou concréée.

» Quant à l’être réel d’existence (esse reale existentiæ)[4], ce terme,

1. Hervé Nédélec, loc. cit. Ms* cit-, fol. 221, colL b, et c.

2. Au lieu de : esse, le texte, par une erreur manifeste, porte : ens,

3. Même observation.

4. C’est ce que nous avons appelé, dans tout ce qui précédé, l existence réelle ou Texistcnce proprement dite.

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