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LA RÉACTION DE LA SCOLASTIQUE LATINE

par l’Évêque de Paris ne pouvait s’autoriser du consentement unanime des maîtres de la Faculté de Ihéologie.

De cette absence d’unanimité, Gilles de Rome nous fournit un autre témoignage. « On peut douter, a-t-il écrit plus tard[1], que ces articles aient été dûment condamnés. Nous même, nous étions alors à Paris, en sorte que nous pouvons témoigner, aussi sûrement que nous témoignerions d une chose touchée de nos mains, que plusieurs de ces articles passèrent non sur le conseil des maîtres, mais par l’entêtement d’un petit nombre d entre eux. »

La prohibition portée par Étienne Tempicr frappait d’excommunication tous ceux qui enseigneraient les sujets traités en certains écrits consacrés aux sciences magiques ou qui suivraient cet enseignement. Elle décrétait la même peine contre ceux qui enseigneraient et soutiendraient un certain nombre « d’erreurs exécrables que certains étudiants de la Faculté des Arts de Paris, sortant des limites imposées à leur Faculté,… ne craignaient pas de traiter et de discuter dans les écoles ». À ces étudiants, 1 Evêque de Paris adressait ce reproche : « ils disent que ces propositions sont vraies selon la Philosophie, mais non scion la Foi catholique, comme s’il existait deux vérités contraires l’une à l’autre, et comme si, contre la vérité de la Sainte Écriture, la vérité pouvait se trouver dans les propos de gentils qui sont damnés ! » Le titre de la condamnation, plus explicite que le texte, nommait ceux des maîtres ès-arts que l’on avait plus particulièrement visés : elle annonçait : « Deux cent dix-neuf opinions de Siger de Brabant, de Boëce de Dacie et autres, condamnées, sur le conseil des docteurs en Sainte-Ecriture, par Étienne, Évêque de Paris[2]. »

Le decret de l’Évêque de Paris semble avoir été rédigé en grande hâte ; les deux cent dix-neuf propositions condamnées y sont énumérées sans aucun ordre ; il en est qui font double emploi ; il en est d’autres qui semblent se contredire ; il faut quelque attention pour discerner, en ce pêle-mêle, les principales tendances d’Étienne Tempicr et des maîtres qui le conseillaient.

Parmi les propositions condamnées, beaucoup ont l’allure grossièrement impie ou licencieuse de propos tenus entre gens dénués de foi et de morale, bien plus que de thèses défendues

1. Ægidu Romani Super secundo /ïôro Sententiarum opus ; Disk XXXII, art. III.

2. Denifle et Châtelain, CAarfu/aruzzn Parzsiertsis, piéy*^ 00 473, t. 1, pp. 543-558. — Le P. Mandonuel a reproduit la liste des erreurs condamnées après y avoir établi un classement systématique (P, Mandonset, Op. taud.f Seconde partie, pp. 170-191).

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