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D’HENRI DE GAND À DUNS SCOT

raison toute semblable, une existence proprement dite réelle. « 

Saint Thomas d’Aquin eût contresigné cet argument[1]. Hervé le va renforcer encore.

« Peut-être va-t-on répondre à cela : Il est vrai que l’idée (ydea), que l’exemplaire représente l’existence de la chose ; mais l’idée ne représente pas cette existence à titre principal ; elle ne la représente que par voie de conséquence, tandis qu’elle représente l’essence à titre principal ; il n’est donc pas nécessaire que l’existence soit de toute éternité.

» Mais cette objection ne vaut rien. La correspondance entre l’idée et la chose ne parait pas concerner l’existence de celle-ci moins que l’essence. Que dis-je ! Elle la concerne davantage, semble-t-il, car la chose est considérée d’une façon plus actuelle au point de vue de l’existence qu’elle ne l’est au point de vue de l’essence ; or ce qui se trouve plus pleinement en acte paraît se mieux prêter à la représentation intellectuelle.

» Admettons, toutefois, que l’existence soit seulement représentée à titre secondaire par l’idée. Si le fait d’être représenté par une idée divine assure à la chose représentée un être (esse) réel, il eu résulterait tout au moins ceci : De même que l’essence possède un être réel à titre principal, du fait qu’elle est représentée à titre principal, de même l’existence possède un être réel à titre secondaire, du fait qu elle est représentée à titre secondaire. De même façon, dans la production d’une substance qui possède un accident, la substance est produite à titre principal et l’accident ne l’est qu’à titre secondaire et par voie de conséquence ; cependant, on ne saurait dire que l’accident n’est, pas produit ni que, d une certaine façon, il n’existe pas ; tout ce qu’on peut dire, c’est qu’il n est pas fait à titre principal et d’une manière directe, mais seulement d’une manière secondaire et par voie de conséquence.

» Cela se peut encore montrer de la manière suivante :

» Ce qui est seulement un être de raison (ens secundum rationem) ne possède aucune existence réelle. Cette proposition est évidente, car être de raison, et être réel se distinguent l’un de l’autre par voie d’opposition, et l’on ne saurait attribuer à l’un une détermination exclusive qu’elle n exclue l’autre. Mais ce qui n’a point d’autre existence que l’existence sous forme de représentation (esse representatum) dans une intelligence, quelle que soit, d’ailleurs, cette intelligence, possède seulement une existence de

1. Voir : Troisième partie, Ch. XII, § V, t. V, p. 5o5 et sniv.

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