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HERVÉ NÉDÉLEC

de tels rapports. Un semblable rapport se trouve, dit-il, en dehors de tout genre[1] ; partant, l’existence essentielle (esse essentiæ), qui est. précisément ce rapport même, n’est pas, non plus, comprise dans un genre ; elle est simplement le rapport qui se trouve ainsi fondé, 1 humanité ou l’animalité par exemple. Il admet, par conséquent, que l’essence n’est pas comprise en un genre par tout ce qu’elle implique ; elle l est seulement par une de ses deux parties, par la nature dans laquelle le dit rapport trouve son fondement.

» En outre, il dit que cc rapport se trouve dans les choses de toute éternité ; il suppose donc que les essences des choses ont, de toute éternité, une existence réelle (esse reale). Sinon ces propositions : l’homme est homme, l’homme est un être animé, et autres semblables, qui sont vraies de toute éternité, ne trouveraient rien sur quoi leur vérité fût fondée de toute éternité. Il en résulterait aussi que ces termes : homme, animal, et autres analogues, alors que les choses [concrètes] n’existent pas, ne désigneraient plus rien de véritable ; ils ne désigneraient qu’un être imaginaire, tout comme le terme chimère, si les créatures, avant même qu’elles ne fussent créées, ne possédaient l’existence naturelle qui convient à leur essence (esse naturale essentiæ). »

Hervé combat vivement cette doctrine ; son plus fort argument consiste à montrer qu en voulant attribuer aux créatures une existence essentielle (esse essentiæ) qu elles posséderaient de toute éternité, on est contraint de leur accorder une existence proprement dite (esse existentiæ) non moins éternelle.

« J’entends réfuter[2] ce qu’admet cette thèse, et qui est ceci : Par le l’ait que, de toute éternité, la créature a en Dieu son idée (exemplar), elle a, de toute éternité, une existence essentielle réelle, mais non pas une existence proprement dite. Sans doute, en effet, l’idée divine représente la créature de toute éternité, et l’essence de la créature répond à cette idée comme une imitation répond à son modèle ; mais cette idée représente aussi de toute éternité l’existence de cette créature, et l’existence de la créature répond à cette idée comme une chose représentée répond à ce qui la représente. Mais, au dire de cet homme-là, la raison pour laquelle la créature possède de toute éternité une existence essentielle réelle, c’est qu’une idée divine lui correspond, qui la représente de toute éternité. Elle a donc de toute éternité, pour une

1. C’est-à-dire en dehors des dix categories considérées par Aristote.

2. Hervé Nédélec, loc. cit. Ms. cit., fol. 221, col. a.

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